L’Europe me hante. Je fais partie de cette génération qui a assisté à l’aurore d’un immense espoir qui fit suite à la réconciliation franco-allemande. Je peux dire sans exagérer que ce projet a galvanisé nos énergies à cette époque. L’idée européenne est en fait née à Vienne en 1926 au lendemain de la première guerre mondiale, sous la forme de l’Union Paneuropéenne Internationale. Cette paneuropa prévoyait déjà la réunion de tous les pays sous un même drapeau autour d’un projet politique commun. Cette magnifique ambition, reprise après la deuxième guerre, était tout à fait réaliste et réalisable, mais elle est sur le point d’échouer car elle a été confiée à une armée de technocrates tatillons, besogneux et frileux, avec une mentalité de comptable.
1 – Il a tout d’abord manqué à l’Europe la vision ambitieuse d’une grande Europe, soudée sous un même drapeau. C’est à dire, à terme, la vision d’une seule nation composée d’Etats Fédéraux, garants des spécificités culturelles de chaque Etat. Le traité de Rome fut signé en 1957 entre les six fondateurs de l’Union européenne, mais déjà ce projet était moins ambitieux que le projet paneuropa de 1926, chaque nation voulant conserver ses prérogatives.
2 – L’erreur fondamentale fut ensuite de diluer l’Europe avant qu’elle n’eut commencé d’exister et d’y inclure le Royaume Uni contre son plein gré. Les Anglais n’ont toujours eu qu’un pied en Europe pour la surveiller et un pied dehors pour la torpiller. D’autres pays sont venu s’agglutiner à ce projet non encore abouti, chacun avec ses exigences et ses récriminations. L’Europe s’est alors affaiblie en même temps qu’elle s’est agrandie, en acceptant de nouveaux Etats membres sans aucune consultation démocratique.
3 – Construire l’Europe supposait une révolution des mentalités, un changement de paradigme, un saut quantique, une rupture avec les nationalismes surannés. Il eut fallu des leaders charismatiques capables de porter cette idée et de recevoir l’adhésion des peuples. Au lieu de cela, nos démocraties faibles n’ont su accoucher que de petits politiciens frileux qui naviguent à vue.
4 – Si l’Europe avait besoin d’un chef, elle avait aussi besoin d’un socle, d’un fondement. Or les fondations de l’Europe reposent sur 2.500 ans d’histoire commune, c’est à dire de patrimoine commun. Nous sommes tout d’abord les héritiers de la civilisation grecque. Le modèle de l’union Européenne, c’est le Panhellénisme si cher à Jacqueline de Romilly, c’est à dire l’unité des Cités Etats regroupées grâce au ciment d’une culture commune. L’Europe c’est aussi l’héritage de Rome, de sa République puis de l’Empire dont le rayonnement nous façonne encore. L’Europe c’est enfin le christianisme auquel on peut reprocher beaucoup de choses, mais à qui nous devons reconnaître le rôle immense de creuset culturel. Sans Athènes, sans Rome et sans le christianisme, nous ne serions pas qui nous sommes car toutes nos pensées sont imprégnées de cette triple culture.
Hélas, que reste-t-il de ces trois piliers dans l’esprit européen ? Sous le prétexte que la culture classique était une culture bourgeoise de luxe, les biens-pensants de la gauche européenne ont chassé l’enseignement du Latin et du Grec de nos lycées. L’histoire Gréco-romaine, c’est à dire l’origine de nos racines culturelles est désormais enseignée à doses homéopathiques. Enfin, sous le diktat des intégristes de la laïcité, la référence aux racines chrétiennes des nations européennes n’a pas eut le droit dans la constitution européenne.
5 – Le constat est aujourd’hui affligeant car il manque à l’Europe l’essentiel, c’est à dire l’esprit d’unité, la fierté d’appartenir à un groupe culturel qui a joué pendant longtemps un rôle de leader dans le monde et qui fut à l’avant garde des Arts et des Sciences pendant des siècles. Aucun projet politique d’envergure ne peut aboutir s’il ne repose pas sur une fierté culturelle qui devient un idéal de civilisation. A cet égard les Etats-Unis sont un exemple. Désormais la crise économique amplifie les nationalismes et si les peuples ne se ressaisissent pas, le vent de l’histoire dispersera les pays européens comme des confettis.
Citations du jour :
1 – « L’européanisme n’a pas à être mis en parallèle avec l’hellénisme : il en est le prolongement direct ; il le continue »
J. de Romilly
2 – « L’Europe, dans son morcellement politique et économique, peut-elle assurer sa paix et son indépendance face aux puissances mondiales extra-européennes qui sont en pleine croissance ? »
Richard Coudenhove- Kalergi, dans Paneuropa, 1923
Fondateur de l’Union Paneuropéenne Internationale
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