275 – A CHACUN SA VISION DU MONDE

Chacun d’entre-nous sait beaucoup de choses. Nous avons une représentation du monde que nous croyons juste et nous en tirons des conséquences qui nous semblent logiques. Pourtant, nous parvenons difficilement à nous comprendre, comme si nous ne parlions pas le même langage !

Depuis notre conception nous sommes soumis à un flot d’informations, qui pénètrent en nous par les cinq sens, et nous imprègnent, jusqu’au plus profond de nos cellules. Nous avons appris à connaître le sucré et le salé, à toucher les objets, à sentir les odeurs, à entendre et à voir. Cet amas de connaissance est considérable, d’autant qu’il s’est enrichi tout au long de la vie par nos rencontres, nos lectures et nos expériences. Notre représentation du monde s’est ainsi enrichie et modifiée au point que nous savons nous orienter dans le temps et dans l’espace. Nous savons qui nous sommes et où nous sommes, au sein d’un réseau de relations personnelles. Sans oublier que nous sommes soumis aux aléas d’un psychisme mouvant et d’émotions variables…

La résultante de cet enchevêtrement de connaissances donne une certaine représentation du monde qui nous entoure et des êtres qui le peuple. A partir de cette somme d’informations nous générons une « Image » de notre environnement, sorte de création mentale subjective qui va gouverner nos comportements et nos décisions. Chaque mot que nous prononçons évoque pour chacun une certaine image, une représentation psychique. Si je prononce le mot Grèce, aussitôt vous en avez une certaine représentation. Il y a deux ans le mot Grèce évoquait pour beaucoup le berceau de notre culture occidentale, pour d’autres venait l’image des îles ensoleillées. Aujourd’hui, cette image s’est modifiée sous l’effet de nouvelles informations et peut-être vous vient-il maintenant l’image du chômage et de la pauvreté ? Donc, même si nous ne sommes jamais allé en Grèce nous avons chacun une « image » de ce pays dans notre tête !

GRECE: IMAGE 3
GRECE: IMAGE 1
GRECE: IMAGE 2

On peut donc dire que nos images se modifient et se structurent en fonction de notre expérience. Ainsi, nos comportements qui en découlent peuvent évoluer plus ou moins rapidement. Mais il faut néanmoins compter avec notre solide résistance aux changements ! Par exemple, nous avons généralement une image très personnelle de la nourriture adéquate et ne sommes pas prêts à en changer facilement. Je peux vous démontrer, preuves à l’appui, que la viande de bœuf est mauvaise pour la santé et est à l’origine de l’hypertension artérielle et des maladies cardiaques. Malgré cela, je suis certain que beaucoup d’entre vous ne modifieront pas leur image de cette viande. Cependant, si un tel message est répété assez souvent et par des gens qui font autorité ou qui ont votre estime, vous pourrez être amené à modifier votre image de la viande de bœuf, ce qui sera une preuve d’un esprit malléable.

Nous avons non seulement une image des choses, des faits et des gens, mais aussi une image des « valeurs ». Vous pouvez avoir en tête une meilleure image du christianisme  que de l’Islam, ou l’inverse. Vous pouvez avoir une meilleure image du socialisme que du libéralisme, ou l’inverse ! Cette notion de valeur de nos représentations provient du fait que nous pouvons en parler et les échanger avec d’autres. C’est même la particularité des humains que de pouvoir discourir sur leur représentation. En ce sens, nous pouvons avoir des images personnelles et des images communes avec un groupe. Nous voyons ainsi que ces « images » communes constituent le socle des cultures et des sous cultures.

Nous constatons donc que notre représentation du monde, à tous les niveaux, correspond à des « images » tout à fait subjectives. Malgré cela, c’est à partir d’elles que nous déterminons nos choix et nos comportements, pour le meilleur et pour le pire. Peut-être pensez-vous que la science, avec sa méthode expérimentale, échappe à cette représentation subjective du monde et que ses « images » sont celles de la réalité vraie ? Mais le chercheur s’est forgé ses propres images du monde et il appartient à une culture qui possède aussi ses représentations. Le point de vue scientifique n’est finalement qu’un point de vue parmi mille autres. Qui peut dire que l’image scientifique du monde est plus vraie ou plus objective que celle du shaman ou du poète ?

KENNETH BOULDING

  Cette notion d’ « image » ou de « représentation » aboutit à ce que Kenneth Boulding dénommait une « théorie organique de la connaissance », développée dans son livre aussi remarquable qu’original intitulé : « The Image ». (non traduit en Français). Cela signifie que la connaissance croit, se développe et s’organise, à la manière d’un organisme vivant complexe. Il profite des apports extérieurs, mais il a aussi ses propres ressources internes. « L’accumulation de la connaissance n’est pas seulement la différence entre des messages reçus et des messages envoyés. Ce n’est pas comme un réservoir. C’est davantage une organisation qui croit selon un principe interne d’organisation, un peu comme un gène est le principe organisateur de la croissance de tout un organisme ».

Tous nos comportements dépendent de cette image très personnelle que nous avons du monde, fruit à la fois de nos expériences multiples et de notre imaginaire fertile :cette image est donc « unique » car elle nous appartient en propre. Ceci explique certainement pourquoi, chacun ayant une image différente des êtres et des choses, nous ayons tant de difficultés à nous comprendre… Par conséquent nous ne sommes jamais objectifs, mais totalement subjectifs…

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