En 1835, de retour de son voyage en Amérique, Alexis de Tocqueville écrivit : « Je ne connais pas de pays où l’amour de l’argent a pris une telle emprise dans l’affection des hommes ». Qu’en est-il près de deux siècles plus tard ?
Parlons d’abord des vrais riches, de ceux qui représentent le 1% de la population et qui paient 40% du total des impôts. Sont-ils plus heureux et plus sereins que le reste de la population ? Il ne semble pas, et, en lisant les statistiques, on apprend que c’est dans les villes riches que le taux de suicides est le plus important. Ainsi à Aspen dans le Colorado, une des villes où se trouvent la plus grande densité de riches au mile carré, le taux de suicide est 5 fois plus élevé qu’ailleurs. Dans d’autres villes, comme Palm Beach ou Santa Barbara, on y meurt d’ennui, d’alcoolisme et de dépression plus que dans des villes sinistrées comme Detroit, au milieu de la misère !… Comment expliquez-vous cela ?
Oui, je sais, vous allez me répondre que c’est la preuve que « l’argent ne fait pas le bonheur ». Certes, mais se peut-il que l’argent fasse le malheur ? Il est vrai que personne n’aime les riches et qu’à certains endroits ils sont même franchement détestés, on s’en méfie, on les injurie. Dans les films, les riches sont toujours stupides, vaniteux et malhonnêtes. Les pauvres sont les héros, les riches les méchants. Personne n’a jamais de pitié pour les riches, pas la moindre compassion. Nous finissons tous par être imprégnés de cette idée que derrière la richesse se cache quelque malhonnêteté.
Sans compter que, par les temps qui courent, les riches sont pourchassés par le fisc, ils sont poursuivis dans tous les recoins du monde et harcelés par des administrations ruinées qui, comme des loups affamés, cherchent des proies. Ils sont aussi la cible de tous les quémandeurs que comptent la planète : les avocats, les fiscalistes, les comptables, les thérapeutes, les architectes, les décorateurs, les organisations caritatives, les églises et les politiciens. Ils sont obligés d’éconduire le plus grand nombre et s’en trouve culpabilisés… Puis ils dorment mal d’être ainsi au ban de la société, rejetés et méprisés comme des parias. Les riches finissent dans des ghettos et leurs fréquentations demeurent dans le champ clos des 1%. Les riches vivent au milieu des riches et ils s’ennuient ! Ils s’aigrissent et deviennent acariâtres, capricieux, insensibles aux malheurs du monde.
En Amérique les riches sont peut-être moins malheureux qu’ailleurs, mais, comme chez les autres peuples, les américains aiment la richesse pour eux personnellement et n’aiment pas trop la richesse pour les autres ! Finalement, nous sommes tous des hypocrites, nous n’aimons pas les riches, mais nous rêvons de le devenir!…

– On dit pas, fils.