Les Américains ont l’esprit pionnier, ce qui constitue une grande partie de leur force. Les difficultés semblent les stimuler au lieu de les abattre et ils savent, mieux que d’autres, se servir de leurs échecs pour apprendre à mieux rebondir.
Chaque peuple a ses mythes fondateurs, ses légendes et ses épopées qui lui servent de modèles d’identification et de lignes directrices. Parmi ces épopées, l’expédition entreprise par les capitaines Lewis et Clark entre 1803 et 1806, à la tête d’une trentaine d’hommes et d’une femme, fait partie de l’imaginaire collectif, enseigné à chaque écolier américain et dans laquelle chacun peut puiser ses propres modèles de force et de courage pour conduire sa vie.
Rappelons qu’en 1803 la France napoléonienne vient de vendre aux Etats-Unis la totalité de la Louisiane, c’est-dire tous les territoires de l’Ouest, baignés par les affluents du Mississipi et du Missouri. (Voir chronique intitulée « Le jour où la France a manqué son rendez-vous avec son destin). Une grande partie de ces territoires n’avaient pratiquement jamais été foulés par l’homme blanc, à part quelques poignées de français ou de canadiens francophones, trappeurs et aventuriers pratiquant le commerce avec les Indiens. Le Président Thomas Jefferson confia au capitaine Meriwether Lewis la mission périlleuse qui consistait à remonter le Missouri jusqu’à sa source et tenter de trouver une voie navigable qui puisse permettre de traverser le continent jusqu’à l’Océan Pacifique.
C’est ainsi qu’après avoir descendu l’Ohio depuis Louisville et passé l’hiver à Saint Louis en préparatifs, une petite troupe quitta la Ville de Saint Louis (comptant alors environ un millier d’âmes), en bateau, le 14 Mai 1804. Cette expédition hautement périlleuse devait s’enfoncer dans des territoires inconnus et, si possible, entretenir des relations amicales avec les tribus Indiennes qui devaient s’étaler le long des cours d’eau et aussi leur faire comprendre qu’ils avaient désormais un « nouveau père » qui prendrait soin d’eux à la condition qu’ils soient coopératifs et dociles.
Je viens de lire le livre qui retrace assez exactement cette formidable épopée qui ouvrit à l’Amérique des possibilités d’expansion inimaginables : « Undaunted Courage ». Lewis s’était entouré de quelques Canadiens français qui étaient les seuls à parler certaines langues indiennes ou à pratiquer le langage des signes. En particulier, un dénommé Toussaint Charbonneau, trappeur expérimenté, qui fut un des piliers de l’expédition.
Charbonneau avait comme compagne une indienne, fille d’un chef Shoshone, et dénommée

Sacagawea. Celle-ci fut d’une grande aide à de nombreuses reprises, non seulement pour communiquer avec certaines tribus, mais aussi pour que les membres de cette étrange cohorte ne soient pas massacrés par les Indiens. La vie de cette Sacagawea est en elle-même un vrai roman. A l’âge de 10ans, elle fut enlevée à sa tribu par des indiens Hidatsa et emmenée plus en aval dans la vallée du Missouri. Quelques années plus tard, elle fut remarquée par Charbonneau qui l’acheta, à l’âge de treize ans ! Elle se retrouva enceinte et accoucha d’un petit Jean-Baptiste en plein hiver 1805 alors que l’expédition hivernait à Fort Mandan. Elle et son bébé firent partie de l’expédition jusqu’à son terme, lors du retour à Saint Louis le 23 Septembre 1806.
Sacagewea fait partie de la légende, elle est devenue une égérie et un modèle d’identification pour de nombreux mouvements féminins. Malgré son jeune âge elle fit preuve, à maintes reprises, de courage et de sang froid. Lorsque l’expédition arriva à proximité des sources du Missouri et traversa le territoire des Shoshones, un extraordinaire concours de circonstances fit qu’elle retrouva sa famille et embrassa son frère qui était devenu chef. Après ces retrouvailles émouvantes, elle choisit néanmoins de poursuivre le voyage avec les membres de l’expédition.
Malgré les péripéties, les souffrances, les privations et les difficultés extrêmes rencontrées, le Capitaine Lewis eut toujours la force et le courage de stimuler son équipe et de garder confiance. Ils eurent à endurer la sévérité de deux hivers, le premier à Fort Mandan dans la haute vallée du Missouri avec un froid glacial et l’autre à Fort Clatsop à l’embouchure de la Columbia River, battue par la pluie et la tempête. Ils durent subir une quasi famine en traversant les montagnes Rocheuses. Ils souffrirent de maux de ventre terribles en mangeant quotidiennement des racines de Camas vendues par les Indiens. Ils traversèrent de nombreux territoires indiens et furent souvent à leur merci. Bref, ils vécurent mille et une péripéties en remontant en canoë les fleuves et les rivières, en portant armes et bagages pour contourner les rapides et les chutes, en grimpant à cheval les pentes périlleuses et enneigées.

Que c’est beau !! je transfère à mon petit-fils, âgé de vingt ans, qui a des rêves d’évasion en Amérique… Merci.