652 – FABRIQUES DES SUPER-MICROBES

 

 

Parmi les innombrables dangers qui menacent notre santé, la résistance bactérienne aux antibiotiques apparaît en première ligne. Il faut comprendre le mécanisme qui déclenche la résistance des bactéries à l’action des antibiotiques et comment elle se développe à grande vitesse.

Aux USA, en 2016, 23.000 personnes sont décédées d’une infection que les antibiotiques ne peuvent plus guérir. Les experts estiment qu’en 2050, la résistance bactérienne aux antibiotiques entrainera le décès de 10 millions de personnes dans le monde. Il n’est pas rare aujourd’hui que l’on sorte de l’hôpital plus malade qu’en y entrant, après avoir contracté ce que l’on nomme une « maladie nosocomiale », c’est-à-dire produite par le système de soin. En France, les chiffres officiels dénombrent un cas de maladie nosocomiale sur 20 hospitalisés, sous forme d’infections urinaires, pulmonaires ou pire de septicémie. Dans les services de soins intensifs on dénombre jusqu’à 30% de maladies infectieuses nosocomiales induites par l’hospitalisation ! Malgré tous les soins d’hygiène et de propreté qui s’améliorent, ce taux ne baisse pas et souvent l’infection est résistante à l’action des antibiotiques.

Mycobacterium Tuberculosis
Mycobacterium Tuberculosis

 Le problème de la résistance bactérienne aux antibiotiques ne date pas d’hier et je me souviens avoir déjà rédigé, il y a plus de 40 ans, un rapport alarmiste sur la question. Depuis cette date, le danger s’est considérablement aggravé sans que rien ne soit entrepris pour freiner le phénomène ! La résistance bactérienne est un phénomène tout à fait naturel qui s’inscrit dans le cadre du mécanisme de la sélection naturelle. Des mutations génétiques fréquentes permettent à chaque espèce vivante de s’adapter à un environnement changeant. Des mutations génétiques aléatoires rendent certaines bactéries insensibles à l’action d’un ou plusieurs antibiotiques. L’administration répétée de ces antibiotiques aura pour effet de « sélectionner » les bactéries résistantes aux dépens des autres, qui seront éliminées. Au fil des années, c’est au sein des hôpitaux que se concentrent naturellement les bactéries les plus résistantes. Même si vous n’avez jamais pris d’antibiotique de votre vie, vous pouvez être infectés par des bactéries résistantes aux antibiotiques. Ce n’est pas vous qui êtes résistant, mais les bactéries que vous avez rencontrées à l’hôpital. De ce fait, les maladies nosocomiales dont je parlais plus haut sont très souvent résistantes aux antibiotiques à des degrés divers.

Sans commentaires
Sans commentaires

 Mais il ne faut pas croire que la fabrique des super-infections résistantes n’a lieu que dans les centres de santé médicaux. La médecine humaine ne consomme que le tiers des antibiotiques fabriqués dans le monde. C’est dans les élevages industriels de poulets, de porcs ou d’autres animaux, que l’administration d’antibiotiques est massive et permanente. La surpopulation, le confinement et le manque d’exercice physique fragilisent les animaux dont le système immunitaire est altéré. La moindre infection peut se propager à grande vitesse et anéantir des milliers ou des centaines de milliers d’animaux en quelques heures ! L’administration chronique d’antibiotique permet de parer à de tels dégâts. Mais, dans le même temps, ces élevages industriels sont d’excellentes fabriques de super-bactéries qui deviennent résistantes. Une ferme innocente peut soudain se transformer en usine à infections, surtout celle qui pratique l’épandage comme cela se fait encore en Bretagne pour fertiliser les champs. Vous pouvez être assuré que les épinards qui y poussent sont infectés par des Escherichia Coli résistants.

Le mécanisme de résistance est double. Tout d’abord il suit une route verticale et la résistance se transmet, et se renforce, de générations bactériennes à générations bactériennes, au fur et à mesure que l’antibiotique continue d’être utilisé. L’autre mécanisme est horizontal et plus surprenant, il consiste en une transmission de la résistance bactérienne entre bactéries d’espèces différentes. Le gène de la résistance peut ainsi être transféré entre divers bactéries pathogènes, lors d’un processus étrange de « co-sélection » qui permet une dissémination tout azimut !…

Des entérocoques multirésistants flottent dans l'air!...
Des entérocoques multirésistants flottent dans l’air!…

 Lorsque les animaux sont abattus dans les abattoirs, la viande est souvent aspergée de résidus intestinaux qui fourmillent de bactéries résistantes. Une étude réalisée par la FDA américaine a démontré que 82% de la viande de dinde, 69% du bœuf et 44% des côtelettes de porc étaient contaminés par des bactéries intestinales Escherichia Coli dont plus de la moitié étaient résistantes à au moins trois classes d’antibiotiques. 90% des E. Coli trouvés dans les élevages industriels de porc sont résistants à la tétracycline. Afin d’éviter ce genre d’étude, les éleveurs refusent l’entrée de leurs installations aux scientifiques trop curieux ! Ceci a amené un groupe de chercheurs à suivre sur la route des camions transportant des poulets. Ils ont enregistré un taux élevé d’entérocoques multi-résistants, flottants dans l’air derrière le camion. L’intérieur de leur voiture en était infesté, jusqu’à la canette de soda fixée sur le porte verre ! Avis aux amateurs !

Qu’elles proviennent des élevages industriels ou des hôpitaux, nous sommes cernés par les bactéries résistantes à la plupart des antibiotiques. Certaines bactéries pathogènes sont aujourd’hui résistantes à l’ensemble des antibiotiques connus. Il faut rappeler que la tuberculose est à nouveau la maladie infectieuse d’origine bactérienne la plus mortelle du monde, alors que la bacille développe de plus en plus de résistance. Pour éviter une contamination massive et incontrôlable, il conviendrait de limiter l’usage des antibiotiques aux cas graves et aussi de ne consommer que de la viande en provenance d’élevages artisanaux, respectueux de la nature et des animaux. Il s’agit probablement d’un vœu pieux !…

Pour avoir une vision claire des élevages industriels regardez cette vidéo:

 

https://vimeo.com/73234721

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2 commentaires

  1. bonjour ,

    “tout ce qui est bon est libre et sauvage ”

    Cette expression utilisée par mon épouse et dont j’ai fait mon credo , est plus que jamais d’actualité.

    Dés l ‘ apparition de l’agriculture et de l’élevage , l’homme a nuit par son comportement à la biodiversité , en effet, concentrer des plantes ou des animaux sur un territoire donné , c’est bouleverser la nature et par là , un équilibre fragile mais très efficace.Les camps de concentration pour animaux , ainsi que la promiscuité avec eux a pour corollaire toutes ces maladies modernes et inconnues avant.On doit impérativement faire un bond en arrière afin de laisser un équilibre naturel se rétablir de lui-même .Faute de quoi , une sélection naturelle, de nouveau , j’utilise cette expression , se mettra en place afin de rétablir cet équilibre.
    Même chose pour ces végétaux sans cesse trituré et qui n’apportent plus rien de vivant à l’organisme.
    bonne journée

    roger

    1. Vous avez raison, la sélection naturelle aura probablement le dernier mot. Une espèce envahissante finit toujours par rencontrer son prédateur!…

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