669 – Où EN ÊTES-VOUS AVEC L’AMOUR ?

Recherchez-vous l’âme sœur ? Croyez-vous au Prince Charmant et à l’amour romantique ? Ou bien êtes-vous désenchantés, adepte de l’amour réaliste qui pratique l’engagement conditionnel ? Il se peut même que vous vous contentiez des étreintes d’un soir ?

Il faut dire que le taux de divorce a porté l’estocade au mythe de la romance. En Suisse, d’où j’écris ces lignes, 51,4 % des mariages se soldent par une séparation, après une moyenne de quatorze ans d’union. Sans compter les milliers de couples en union libre qui se font et se défont au rythme des saisons. L’amour pour la vie devient rare, décalé, voire ringard !

Même Hollywood ne produit plus de contes de fées qui se terminent sur des notes de bonheur sans nuage et sans fin. La dernière romance à la mode « La La Land », pleine de guimauve et qui a enflammé le box-office, se termine par une rupture.

L’effet Tinder

Nous vivons à l’ère de Tinder, la dernière façon de se rencontrer : en quelques clics, un Smartphone géolocalise des partenaires potentiels près de chez soi, que l’on peut retrouver dans un café ou dans un lit en dix minutes. On y fait ses courses pour, en quelques câlins, apaiser ses hormones et ses angoisses existentielles. Pas de blablablas inutiles, ni de préliminaires hypocrites, on choisit sur son écran, parmi 50, une tête qui à l’air sympa, en espérant que le reste suivra…

Les sites de rencontre prolifèrent et offrent de multiples occasions de plus ou moins longues durées, comme sur airbnb ! Certains sites regroupent des microgroupes, tel Dating Ink qui ne propose l’amour qu’entre tatoués ! On n’arrête pas le progrès…

La Belle au bois dormant est définitivement endormie. Le romantisme est mort. Le sexe est roi, mais on peut se demander si l’amour d’un instant est encore de l’amour ? Assouvir ses pulsions, est-ce encore aimer ? En tout cas les 18-25 ans ne se font plus d’illusion et optent pour ce qu’ils appellent « l’amour lucide et réaliste ». Il me semble que cette lucidité est porteuse d’une certaine tristesse. Qu’est-ce que la vie sans rêves et illusions ? Le cynisme est mortifère !

L’engagement provisoire

Tout cela n’empêche pas l’industrie du mariage de se porter à merveille. On se marie pour se mettre en scène. Il faut surprendre ses amis et choisir, si possible, des lieux exotiques. Ce qui était jadis un grand moment de la vie, un engagement sincère, même s’il était illusoire, est devenu une simple journée de fête, un univers de paillettes. On ne se promet rien car on préfère l’engagement conditionnel et provisoire.

Le maître mot se réduit à cette phrase culte : « on est ensemble sans se prendre la tête ». C’est-à-dire on ne parle pas trop des ressentis et des sentiments, on reste pragmatique et on aborde les questions intimes sur la pointe des pieds. Surtout, pas de passion amoureuse, pas d’amour fou, pas de dépendance affective qui emprisonne.

D’une certaine façon, cette absence d’engagement durable rend le couple vulnérable. Dès les premières secousses, on songe déjà à la rupture, car on ne supporte pas le conflit qui n’est pas prévu au programme. Il semblerait que l’amour précoce fige les couples dans une relation adolescente qui empêche la maturité amoureuse. Rien n’est parfait ! On cherche alors un nouveau partenaire qui n’est jamais bien loin et qui va ressembler sur bien des points au précédent…

Un marché sans pitié

Sur le marché de l’amour et du sexe, chacun est exigeant et peut passer des heures à la recherche du partenaire idéal. Les déceptions sont à la hauteur des espoirs que fait naître la chasse sur internet. Chacun se vend et s’exhibe. Chacun ment sur son âge, sur son look, sur son curriculum vitae et sur ses antécédents. Le but étant souvent de recueillir le maximum de demandes en retour, afin de flatter son ego.

L’amour réaliste et décomplexé touche toutes les tranches d’âge et donc aussi les pères et les mères quinquas qui ne trouvent pas toujours preneur sur ce marché hyper-compétitif et sans pitié. C’est comme avec le marathon, il vaut mieux être jeune ! Beaucoup jouent à ce jeu de l’amour et de la séduction alors qu’ils ont souvent l’âge d’être grands-parents.

S’il n’y a plus d’amour romantique qui fait souffrir, il reste souvent l’amertume, la désillusion et la solitude. On souffre désormais sans aimer personne. 36 % de la population vivent seuls et rêvent toujours d’une épaule pour poser les années qui passent. Il y a cent ans cela ne concernait que 8% des citoyens. Il arrive nécessairement un âge où l’on ne se satisfait pas du Sex Dating en coup de vent, on recherche l’entente plus profonde qui ne peut s’installer que dans la durée. C’est alors que la recherche éperdue sur les sites de rencontre détruisent l’estime de soi.

La nouvelle façon d’aimer traduit une époque, celle de la vitesse, de la technologie et du pragmatisme. C’est aussi l’époque de l’individualisme, du développement personnel, du dopage de l’ego. Les rapports amoureux sont peut-être plus égoïstes, plus centrés sur soi-même. Chacun pense d’abord à soi et prend à l’autre ce qu’il y a à prendre, ne serait-ce que quelques minutes de jouissance. On a tellement peur de souffrir que l’on s’engage au minimum et finalement on est frustré.

La peur de souffrir est l’antinomie de l’amour. L’amour rend vulnérable, mais l’amour rend fort. L’amour réaliste, désenchanté et lucide, épargne la souffrance mais conduit à la solitude douloureuse. Nous vivons de ce fait le siècle de l’angoisse…

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