La démocratie vit-elle ses dernières années ? N’est-elle déjà plus qu’une illusion, coincée entre la démagogie des politiciens, la manipulation des media de communication et la servitude volontaire des citoyens ?
Notre démocratie est devenue une sorte de tyrannie douce dans laquelle on nous donne l’illusion du choix libre et délibéré, tel un enfant sur un manège, au volant de sa petite auto. Il a l’impression de réellement conduire sa voiture et d’aller où il veut. L’illusion est toujours plus confortable que la réalité !
Le grand dilemme de la démocratie
Le vrai démocrate est celui qui suit le peuple dans ses instincts, ses émotions et ses caprices. Un élu ne peut pas aller contre le peuple et doit appliquer ses décisions, même les plus folles. C’est le grand dilemme de la démocratie, sa faille existentielle, son talon d’Achille.
Un vrai démocrate est un charmeur intelligent, sans conviction, sans vision, sans exigence, un peu comme le fut Jacques Chirac. Tout le monde l’aimait bien car il savait s’adapter, mais personne ne le prenait réellement au sérieux.
Quand tout va bien cela peut suffire, mais en cas de tempête la démocratie fait naufrage. Autant le dire tout de suite, un vrai démocrate ne peut devenir un bon dirigeant, d’autant qu’un vrai dirigeant ne sera jamais assez démagogue pour être élu.
Le vrai démocrate doit éviter à ses concitoyens la douleur, l’effort, la contrainte, l’exigence, la contrariété. Il doit rendre tout facile, aisé, analgésié. L e démocrate est un flatteur qui cherche une majorité pour rester au pouvoir, quelles que soient les alliances pour y parvenir, c’est un ventre mou.
Pour les démocrates contemporains, de Gaulle avait institué un régime autoritaire et Poutine est un odieux dictateur car il a un but, une vision et un projet pour la Russie et c’est sans doute pourquoi elle tient debout. Il n’y a pas de doute, si les Russes optent pour un régime de démagogie démocratique à l’occidentale ils sombreront dans le chaos.
Les magiciens de la communication
Chacun le sait, l’opinion est malléable comme de l’argile, et les media traditionnels (presse, radio et télévision) ont usé et abusé du pouvoir qu’ils avaient sur nos cerveaux. Depuis toujours, nous sommes conditionnés par notre environnement et prêts à suivre le dernier qui a parlé.
Dans son livre d’anticipation intitulé « Transparence », Marc Dugain, dont nous emprunterons plusieurs citations dans cette chronique, insiste sur « le peu de liberté dont dispose chaque individu profondément déterminé dés son enfance, conditionnement qui apparait le reste de sa vie comme un objet de convoitise pour tous les manipulateurs de goût et d’opinion ». Le choix de notre voiture comme celui de notre bulletin de vote est aujourd’hui déterminé par des algorithmes qui utilisent les failles et les fragilités de notre psychisme.
Marc Dugain enfonce le clou qui fait mal : « Qu’est-ce que vous entendez par démocratie ? Se faire élire à intervalle régulier par des électeurs manipulés par les acteurs du numérique qui choisissent le candidat le plus a même de servir leurs intérêts ? ».
Panem et circenses
Nous sommes des marionnettes entre les mains de magiciens de la communication et, sous une apparente douceur, le champ de notre domination est infini. « Les masses, les individus avaient certes leurs défauts mais la pire des choses était d’en profiter en mêlant le calcul et le cynisme à la démagogie dans une mise en scène déplorable… ».
Nous avons ainsi renoncé à réfléchir et notre pensée est engloutie par un matérialisme global et une frénésie de consommation, telles des mouches attirées par un pot de miel où elles se laissent engluées.
Le psychisme humain a été disséqué et étudié au laser par les psychologues en charge de la communication dans les réseaux sociaux et les nouveaux media. Ils y ont décelé des failles et, en particulier, une énorme propension à se laisser facilement manipuler. C’est ainsi que « les masses étaient sous contrôle comme aucun régime autoritaire n’y était parvenu jusqu’ici, les conduisant à produire et à consommer dans une torpeur quasi minérale ».
Depuis les empereurs romains, tous les dictateurs comme les démagogues savent que les peuples sont flattés et dociles pourvu qu’ils aient à leur disposition du pain et les jeux du cirque, panem et circenses. Marc Dugain exprime autrement la même idée: « Si vous donnez aux gens du fric et de l’essence à volonté par cher ils ne vous demanderont rien d’autre ».
Dans ces conditions nous avons les dirigeants que nous méritons car nous avons renoncé à notre liberté. Nous pouvons déjà reconnaitre notre société contemporaine dans cette description : « Le président appartenait à cette élite qui de génération en génération produisait des hommes à l’identique, remarquables mécaniques intellectuelles huilées à tourner dans un vide sidérant, agilités intellectuelles habitées à se confronter dans des joutes stériles qui avaient laissé sans s’en rendre compte un espace inespéré aux géants de l’internet, lesquels avaient fini par prendre avec une jouissive douceur le contrôle de cet Etat qui se voulait modèle dans sa morale affichée, mais le plus souvent secrètement reniée».
Trois alternatives
Si les citoyens veulent remettre en cause ce système de démagogie démocratique, ils ont au moins trois alternatives possibles :
- Ils peuvent remettre leur destin entre les mains d’un « dictateur éclairé» qui, s’il est bien encadré juridiquement, peut mettre en œuvre un véritable projet de société avec une vision large et ambitieuse. C’est la voie empruntée, avec plus ou moins de bonheur mais un succès certain, par la Turquie, la Russie et la Chine.
- Ils peuvent choisir de faire confiance à la technologie et de se soumettre à un gouvernement géré par des algorithmes qui sauront prendre des décisions justes, rationnelles et sages, en dehors des émotions et des caprices du peuple.
- Enfin, ils peuvent aussi choisir la voie de la démocratie totale, c’est-à-dire de la démocratie directe, qui suppose que le peuple décide directement de tout, à tous les niveaux de la société. Cette démocratie se mérite et nécessite un haut niveau de conscience et de sens des responsabilités de la part des citoyens. La démocratie directe que j’appelle de mes vœux depuis des années repose sur un peuple éduqué, libre et responsable. Elle a l’immense avantage d’éviter la démagogie et de renforcer la responsabilité. (Lire la chronique 753 « REDONNER LA PAROLE AU PEUPLE »).
Au nom de la survie de l’humanité, le système démocratique actuel doit absolument être remis en cause. En l’état actuel des choses nous sommes incapables de faire des choix difficiles, douloureux mais nécessaires par la voie démocratique. La tragédie du réchauffement climatique ou le drame de la pollution chimique sont là pour en attester. Aucun gouvernement ne sera jamais démocratiquement élu pour y remédier car cela supposerait un changement de cap radical et l’abandon d’un certain confort que nous ne voulons pas perdre ! Dans ces conditions nous perdrons tout…
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