Depuis longtemps, nous, occidentaux, croyons aux vertus de la démocratie représentative, nous sommes persuadés de sa supériorité et nous menons en permanence des croisades urbi et orbipour imposer notre modèle de gouvernance. Sommes-nous trop prétentieux et arrogants ?
Ceux d’entre vous qui me lisent depuis longtemps savent combien je suis hanté par l’avenir de nos démocraties occidentales et, en particulier, de la démocratie française. L’épisode de la pandémie que nous traversons a mis en lumière les faiblesses et les failles d’un système de gouvernement où chacun tire à hue et à dia, dans un joyeux désordre.
Vous pourrez relire les chroniques 793 – « L’illusion démocratique » et 796 – « Vers le chaos ? » qui illustrent et complètent mon propos d’aujourd’hui.
L’arrogance des démocraties
Il ne se passe pas de jour sans qu’un dirigeant occidental ne prenne la parole pour fustiger tel ou tel régime qui ne serait pas assez démocratique à son goût. Nous assistons même à une escalade de bons sentiments et de prêches menaçants, à l’égard des gouvernements trop autoritaires selon nos critères.
Nos media bien-pensants filtrent avec attention les paroles des politiciens qui voyagent à l’étranger et ils distribuent des bons points ou des blâmes à ceux qui n’auraient pas suffisamment admonesté les dirigeants qu’ils ont rencontrés. Nous sommes devenus de grands spécialistes en donneurs de leçons !
Il n’est plus possible de rencontrer Wladimir Poutine sans lui dire haut et fort ce que l’on pense de sa façon de gouverner. Peu nous importe de savoir ce qu’en pense la majorité des Russes, ce qui nous préoccupe c’est notre point de vue, notre propre vision du monde… Le reste nous indiffère ! Nous sommes des dogmatiques, des idéologues, et nous ne sommes même pas capables d’imaginer que la démocratie pourrait amener le chaos et la misère en Russie…
Vis-à-vis du gouvernement Chinois nous sommes plus prudents et nous affichons un profil bas car nous mesurons les risques d’une parole trop véhémente et trop moralisatrice. Mais il en est tout autrement en Afrique où nos politiciens peuvent jouer les directeurs de conscience et fustiger, sans risque de rétorsion, les dictateurs à poigne.
Imbues d’elles-mêmes, nos démocraties occidentales n’ont pas hésité à intervenir militairement pour renverser des régimes qui ne correspondaient pas à leurs critères de bonne gouvernance. En Afghanistan, en Irak, en Syrie et en Lybie, nous avons agi de façon inconsidérée et engendré le chaos et la misère, au nom d’une idéologie occidentale néocoloniale.
Ce chaos dont l’Occident est responsable a généré un afflux considérable de réfugiés qui ont convergé vers l’Europe pour y trouver refuge. Mais pas un seul politicien, qui se prétend démocrate, c’est-à-dire paré de toutes les vertus, n’a fait son autocritique et reconnu publiquement ses erreurs interventionnistes. Leurs agissements pourraient néanmoins être considérés comme des crimes humanitaires…
Le règne de l’inefficacité
De la démocratie à la démagogie il n’y a qu’un pas, vite franchi. La liberté est un beau mot, mais trop souvent dévoyé par les démagogues pour plaire aux électeurs. Une société libérale devient vite une société libertaire et permissive, qui conduit à l’anarchie.
Est-ce un hasard si la pandémie a été plus mal gérée dans les pays démocratiques que dans les pays autoritaires ? Le point d’orgue de la mauvaise gestion revient sans doute à la France, comme le faisait remarquer récemment le journal Le Temps, « où le grand défi demeure la signification du mot efficacité…La décision, en France, résulte de la superposition de cette complexité avec la relative bonne franquette qui règne dans certains lieux de pouvoir ».
La situation s’aggrave avec le tintamarre médiatique nourri par une polémique permanente à propos de tout et de son contraire. « L’excès de débats, ou plutôt de faux débats, y mine en permanence le consensus national indispensable. Tout le monde donne son avis et la confusion s’installe ». Conséquence logique : la défiance de la parole publique !
La défiance est désormais ce qui mine les démocraties occidentales où les gouvernements élus perdent leur légitimité. Ce manque de confiance inhibe l’action gouvernementale qui sombre dans la polémique permanente et l’inefficacité.
C’est ainsi que certains pays sont comme anesthésiés, paralysés et incapables de porter la moindre réforme, sans générer des oppositions multiples et irrationnelles, y compris dans la rue, comme on l’a vu en France à propos de l’indispensable réforme des retraites. On peut désormais se demander si les démocraties ne sont pas condamnées à l’inaction définitive !…
Existe-t-il un modèle autoritaire ?
Que cela plaise ou que cela déplaise, il semble que les régimes autoritaires aient mieux géré la crise épidémique que les démocraties molles. Il est peu probable qu’il s’agisse d’un hasard !
Existe-t-il un juste milieu entre les démocraties décadentes et les dictatures ? Peut-on rêver d’une dictature éclairée, suffisamment tolérante, mais assez autoritaire pour conduire la nation avec sagesse et détermination ? Aucun modèle ne semble satisfaisant et la plupart font l’objet d’un rejet massif…
La Chine est la cible de tous les regards de réprobation de la part des occidentaux qui imaginent un peuple brimé et persécuté par un régime sanguinaire. Mais une récente étude d’opinion, réalisée par un institut américain, a révélé à la face d’un monde stupéfait, cette vérité crue et dérangeante : une très vaste majorité de citoyens chinois approuve massivement son gouvernement !
On en revient toujours à cette maxime éternelle : pour gouverner tranquille, il suffit de donner au peuple du pain et des jeux. Les observateurs les mieux informés ont repéré 4 paramètres qui leur paraissent essentiels pour expliquer la popularité du gouvernement chinois :
- La croissance économique est le nerf de la guerre. Alors que la Chine connait une augmentation importante du niveau de vie, l’Occident stagne et les actifs d’aujourd’hui savent que leurs enfants vivront moins bien qu’eux. Tandis que tous les chinois vivent mieux que leurs parents !
- Un État manager qui, en un quart de siècle, a eu le mérite d’apporter la prospérité au pays. Il a construit le plus vaste réseau ferroviaire et d’autoroutes, ainsi que des infrastructures digitales plus performantes qu’en Occident. La modernisation du pays est spectaculaire !
- Les chinois sont éduqués dans le souvenir d’une grandeur impériale passée et d’une humiliation provoquée par les interventions étrangères. Surtout, ils partagent cette idée que la démocratie conduit au chaos. Il est bien difficile de les contredire sur ce point, à la vue du spectacle affligeant des démocraties occidentales décadentes …
- Enfin, le facteur propagande est important avec le contrôle des media qui font l’apologie, non pas du parti communiste, mais du confucianisme millénaire, remis au goût du jour, au service d’un nationalisme puissant et fédérateur.
« Les Chinois ne veulent pas d’une liberté à l’occidentale » affirmait récemment l’ancien ambassadeur de Suisse en Chine qui ajoute : « En 1980 le PNB de la Chine, avec 1 milliard d’habitants, était inférieur d’un quart à celui de la Suisse de 6 millions d’habitants… aujourd’hui le PNB de la Chine est 18 fois plus élevé que celui de la Suisse ». Les Chinois sont fiers d’eux-mêmes. Tout est dit !
L’Occident rongé par le doute
Le drame des démocraties occidentales est d’avoir perdu la foi en leur destin, de n’avoir plus aucune valeur transcendantale à laquelle se raccrocher. Le nationalisme est devenu nauséabond, surtout en Europe qui s’est laissé envahir, sans contrôle, par des idéologies défaitistes et culpabilisantes. Que reste-t-il ?
L’occidental, au lieu de cultiver la fierté, pratique une autodestruction systématique de la civilisation qui l’a portée. Il passe son temps à se battre la coulpe et rase les murs pour tous les méfaits qu’il aurait commis !
Le moteur est en panne, et nous n’avons plus rien pour nous motiver. Quelles sont les valeurs qui nous motivent ? Qui va se battre pour la République, pour la laïcité ou pour notre culture ?
Nous avions pourtant un socle culturel puissant qui méritait notre fierté. Toutes les inventions qui aujourd’hui occupent notre quotidien proviennent de l’Occident chrétien. La chrétienté est le ciment commun à tous les peuples occidentaux et anime nos lois, nos coutumes et nos façons de pensée.
Mais depuis que l’Occident a rompu avec ses racines chrétiennes, il vacille et décline, rongé par le doute. Il a tout perverti depuis la nature environnante jusqu’à la démocratie qui faisait sa fierté à juste titre.
Il serait donc temps que les peuples d’Occident arrêtent de faire la leçon au reste du monde et s’autoproclament juges universels. Ils feraient mieux de réapprendre à se gouverner eux-mêmes afin de s’extirper de leur propre chaos, avant qu’il ne soit trop tard.
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