949 – L’EUROPE INDUSTRIELLE EST-ELLE LARGUEE ?

L’énergie a toujours été l’élément essentiel du développement industriel. Par sa faute, l’Europe ne domine aujourd’hui aucune source d’énergie et n’a pas assuré ses approvisionnements. Pétrole, gaz, nucléaire, batteries, c’est le fiasco total.

Lorsque l’on observe le devenir des individus, on peut noter combien nous sommes responsables de notre destin, par les multiples choix que nous faisons au cours d’une vie. Il en est de même pour les sociétés humaines et les nations.

Depuis un demi-siècle les nations européennes ont fait, collectivement et individuellement, des choix assez désastreux dans de nombreux domaines politiques, économiques et industriels. La part de l’industrie dans l’économie européenne ne cesse de baisser d’année en année. La France, par exemple, est maintenant au-dessous de 10% ! Les récents choix politiques vont accélérer notre Bérézina économique, comme à chaque fois que les politiciens interfèrent dans l’économie …

Vous pouvez relire notre chronique 936 intitulée: “Les défis énergétiques”

Les énergies fossiles

L’abondance de charbon a fait la fortune de l’Europe au XIXème siècle. Le pétrole bon marché, puis le gaz, ont assuré le maintien du niveau de vie des européens au XXème siècle, avant le développement de l’énergie nucléaire.

Mais le développement du nucléaire, qui assurait une certaine indépendance énergétique de l’Europe, a été délibérément arrêté, sous la pression politique des mouvements écologistes ultras, ce qui a gravement handicapé et fragilisé l’Europe. Certains pays, comme l’Allemagne, ont dû remettre en route des centrales à charbon et dans le même temps, les mêmes écologistes nous exhortent à limiter les dégagements de CO2 !

Le choix des européens de prendre le parti de l’Ukraine dans sa guerre avec la Russie a quelque chose de suicidaire. Ces décisions ont provoqué une envolée du prix du gaz dont nous sommes très dépendants, à commencer par l’industrie Allemande. Se priver volontairement du gaz Russe, c’est mettre le feu à un processus inflationniste non maitrisé.

Comme si cela ne suffisait pas à nos malheurs, le récent sabotage des pipe-lines en mer Baltique nous prive de gaz pour longtemps. Pour connaitre les auteurs du sabotage, il suffit de se demander « à qui profite le crime ? ». Les Russes n’ont aucun intérêt à saboter leurs propres installations, ni les Européens qui sont dépendants du gaz Russe. Les responsables ne peuvent qu’être que les Américains qui veulent détruire tous ceux qui contestent leur hégémonie. Dans la foulée, ils affaiblissent les européens, ce qui fait partie de leur stratégie à long terme pour mieux les dominer et les assujettir ! Le gouvernement américain a toujours revendiqué la fermeture du pipe-line Nordstream 2.

L’énergie nucléaire

Le gouvernement Allemand d’Angela Merkel, harcelé par les Verts, a choisi de se faire Hara-Kiri en décidant d’abandonner précipitamment le nucléaire. Cette décision calamiteuse a été précédée par la décision de François Hollande et de son acolyte Emmanuel Macron de sacrifier le nucléaire en échange de l’appui politique des écologistes.

« Nous avions une technologie en or, qui nous assurait une énergie propre et bon marché, nous l’avons sacrifiée au nom d’un accord électoral ‘’Parti socialiste- Les Verts’’ en 2011 : l’échange de quinze circonscriptions législatives contre la fermeture de 24 réacteurs nucléaires » résume un député. (Relire notre chronique 815 intitulée “Incohérences des écologistes”)

La perspective de l’arrêt du nucléaire a fait perdre à la France son savoir-faire et sa technicité. Les ingénieurs se sont orientés vers d’autres activités. Ce qui a fait dire à Jean-Bernard Levy, l’ancien patron d’EDF : « On a fermé deux réacteurs… On nous a dit, préparez-vous à fermer les douze suivants… On n’a pas embauché des gens pour en construire d’autres, on a embauché des gens pour en fermer ».

A ce désastre, c’est ajouté un manque de leadership de l’État Français, principal actionnaire des deux sociétés EDF et Areva qui, au lieu de coopérer, se sont lancés tête baissée vers une concurrence effrénée et dans une course en avant technologique mal préparée. Selon la Cour des comptes, « Cette course entre les deux entreprises françaises a conduit au lancement précipité des chantiers de construction des deux premiers EPR, sur la base de références techniques erronées et d’études détaillées insuffisantes ». En outre, l’administration de tutelle n’a pas joué son rôle et a laissé prospérer entre les deux entités une relation qualifiée de « pathologique » !…

Résultat, le premier EPR fut construit en Finlande avec 12 ans de retard et un coût triple de celui prévu ! La différence sera à la charge du contribuable français qui, ainsi, subventionne l’électricité des Finlandais ! Idem pour les EPR de Flamanville en France et de Hinkley Point en Grande Bretagne avec des coûts multipliés par 6, à la charge des contribuables français…

Pendant ce temps-là, les Coréens et les Chinois ont pris la place des Français partout où ils avaient des espoirs d’enlever des contrats et les Allemands ont cessé leur collaboration avec les Français. Cela n’a pas empêché ces derniers de conserver « l’arrogance du fleuron tricolore » qui n’accepte des leçons de personne.

Un malheur n’arrivant jamais seuls, en 2022, en pleine crise énergétique, les Français ont réussi ce tour de force de mettre à l’arrêt en même temps, pour maintenance, 26 réacteurs nucléaires sur 56. Bravo la planification bureaucratique ! Voilà ce qui se passe lorsque l’on laisse les fonctionnaires présider à l’avenir industriel d’un pays !…

Les batteries

C’est vrai ou c’est faux, mais tout le monde le dit : « l’avenir est à la voiture électrique ! » Les politiciens Européens ont même décidé de ne plus avoir de véhicules thermiques en 2035 c’est-à-dire demain. Bien entendu, ils n’ont jamais étudié la faisabilité d’une décision dont ils ne mesurent ni les contraintes ni les conséquences qu’elle entraine.

Un expert écrit ce constat : « Le monde va passer de kilowattheures très carbonés, consommateurs d’énergie fossile, à des kilowattheures très métallisés ». Autrement dit, pour éviter Charybde, nous tombons dans Scylla !

Bien entendu les Européens imprévoyants non seulement ne possèdent pas de « gigafactories » capables de fabriquer des batteries à des prix compétitifs, mais encore ne disposent d’aucun des métaux indispensables à la fabrication des batteries : Lithium, Nickel et Cobalt. Or, en moyenne, un véhicule électrique contient 50 kg de Nickel, 45 kg de Lithium et 7 kg de Cobalt. Ceci fait que le moteur électrique représente 30 à 40% du prix d’une véhicule électrique. Autrement dit, les constructeurs européens ne maitrisent plus rien dans la construction d’une voiture et la décision politique va tuer l’industrie automobile européenne !

Au contraire, la Chine a anticipé depuis longtemps la transition énergétique et a fait main basse sur de nombreux sites d’extraction dans le monde. Actuellement le Lithium apparait comme l’élément clé car il est le principal constituant de l’électrolyte dans lequel circule les électrons, entre la cathode et l’anode. Actuellement c’est encore la Chine qui est aux avant-postes car elle transforme et raffine une grande partie du Lithium extrait dans le monde.

Les principaux gisements de Lithium sont situés en Australie, en Chine et en Amérique du Sud, en particulier en Argentine. On rapporte qu’un acteur européen du secteur, qui était sur les rangs pour emporter un appel d’offre en Argentine, s’est vu rafler la mise par un groupe Chinois « en triplant les sommes offertes par ses concurrents ». Les occidentaux ont une vue courte tandis que les Chinois voient loin…

La mode est maintenant aux « gigafactories » et les européens ont une quarantaine de projets en cours, mais en ordre dispersé, sans stratégie commune. Mieux vaut tard que jamais, mais ils vont se heurter à un triple obstacle : 1- Les acteurs historiques disposent déjà de très grandes usines et d’un savoir-faire qu’il va falloir acquérir à coups de milliards. 2- Les européens se lancent tous azimuts sur la technologie lithium-ion liquide qui a fait ses preuves mais ils vont se heurter aux prix ultra-compétitifs des asiatiques et aussi de Tesla. 3- Pendant que les européens apprennent le métier les Chinois avancent à pas de géant dans de nouvelles technologies ; ainsi le géant CATL, leader mondial, vient d’annoncer la mise au point future d’une batterie solide, plus performante et qui ne risque pas d’exploser. A plus cours terme, CATL va commercialiser en 2023 un nouveau modèle nommé Oilin avec une plus forte densité énergétique, permettant de dépasser le seuil symbolique des 1000 km !

Le problème est le même pour les batteries industrielles, utilisées pour stocker l’énergie produite par le solaire ou l’éolien. Sur le plan des batteries, les Européens ont du souci à se faire et leurs projets de « gigafactories » risquent d’arriver trop tard, trop chers et déjà obsolètes… Il ne restera aux européens que le recyclage qui nécessite une main d’œuvre abondante, peu qualifiée et bon marché…

L’Europe fut longtemps à l’origine des plus belles inventions et des plus belles technologies industrielles. Ayant manqué de vision à long terme, elle n’a pas anticipé les changements en cours et lui manquera l’énergie du XXIème siècle, c’est-à-dire l’essentiel dans tout développement industriel. Son déclin, déjà constaté dans de nombreux autres domaines, parait désormais inexorable… Mais rien n’est irrémédiablement perdu, l’important est d’abord de prendre conscience et ensuite de se retrousser les manches… Pour vous y aider, commencez par lire la BD époustouflante intitulée: “Le monde sans fin”…

 

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2 commentaires

  1. Bonjour Monsieur Ponroy. J’arrive un peu tard pour répondre à la
    question de votre avant-dernier billet. J’avais un prof de physique au lycée qui accueillait les retardataires avec un ” Entrez, entrez, il n’y a pas d’heure pour les braves”.
    Aucun sujet que vous traitez ne m’est indifférent bien au contraire.
    Donc, je reste fidèle à vos billets comme j’attendais le journal de Spirou étant gamin.
    Merci.
    Continuez ainsi, ne lâcher rien.

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