Nos vies sont comme celles des empires. Elles commencent dans l’enthousiasme et périssent dans le renoncement. Les mondes sont tour à tour laminés et les plus belles utopies finissent dans la déchéance et le sang. « Le présent surgit du néant et retourne au néant ».
Ne soyez pas effrayés par ce préambule apocalyptique et néanmoins irréfutable. Le sermon sur la chute de Rome fut prononcé au mois de décembre 410 par Saint Augustin, évêque d’Hippone, dans l’actuelle Algérie, pour réconforter ses ouailles atterrés par la nouvelle incroyable qui venait de leur parvenir : Rome avait été envahie et mise à sac par les troupes barbares des Wisigoths d’Alaric. La foule est assemblée en masse dans la cathédrale pour entendre ces paroles : « Tu pleures parce que Rome a été livrée aux flammes ? Dieu a-t-il jamais promis que le monde serait éternel ?… Depuis quand crois-tu que les hommes ont le pouvoir de bâtir des choses éternelles ? L’homme bâtit sur du sable… ».
« Le sermon sur la chute de Rome », c’est aussi le titre du dernier roman de Jérôme Ferrari dont nous venons d’apprendre qu’il a obtenu le prix Goncourt. A travers la vie d’une famille corse, nous assistons, par dessus les générations, à l’écroulement de multiples mondes, tous éphémères comme l’est la vie. Le changement des modes de vie accompagne les nouvelles façons de penser et d’agir, les coutumes ancestrales changent, les vies se délitent et passent, comme l’empire colonial qui sombre dans la désespérance. Au fur et à mesure que les mondes s’écroulent autour de nous, nous devenons des inadaptés : « Il était comme un homme qui vient juste de faire fortune, après des efforts inouïs, dans une monnaie qui n’a plus cours ».
En permanence, nous assistons tous, en live, à la disparition des mondes et des vies qui nous accompagnent. Nous croyons parfois que notre quiétude sera éternelle et que la beauté qui nous entoure perdurera : « Il s’étonnait que son bonheur fût à ce point inaltérable et il buvait son vin dans la tiédeur du soleil de printemps ». Et pourtant, sans que l’on s’en aperçoive, « sans même qu’un frémissement se fasse entendre », nous constatons soudain qu’un monde a disparu et que nous vivons à une autre époque avec un sentiment de vide : « Marcel est seul et l’heure de la retraite vient lui confirmer ce qu’il avait toujours su, il ne s’est rien passé ».
Il se peut que l’admirable roman de Jérôme Ferrari, au style somptueux, sonne étrangement à

des tributs barbares , ostrogoth, visigoth etc , les saligoth sont les pires ;o)
Lire et Délire…. Vivre et Dérive…