424 – REDEFINIR LA RICHESSE

Les économistes et les politiques ont les yeux braqués sur la variation du PIB, comme s’il était la mesure du bonheur des peuples. Que mesure t-il vraiment ? 

Si le PIB mesurait réellement la richesse d’une nation, il serait imprudent de vouloir le supprimer. Mais il apparaît que mettre le PIB au rencard ne consiste pas à casser le thermomètre. Les mouvements écologistes, qui prétendent à une refondation du monde et qui militent pour la décroissance, n’ont peut-être pas tort de remettre en question cet indicateur universel qui est supposé mesurer la croissance.

En effet le PIB (Produit Intérieur Brut) mesure bien une activité économique, mais ne mesure pas l’accroissement des richesses. Il s’agit donc d’une mesure fictive. Je m’explique : le PIB traduit un niveau de l’activité sans prendre en compte ni le degré d’endettement, ni la nature de l’activité. Ainsi un pays qui s’endette outrageusement stimule artificiellement le PIB, comme si les dettes constituaient une richesse. Il convient donc de ne pas confondre « croissance » et « croissance de la dette » ! De même le PIB ne fait pas de distinction entre un investissement qui va créer des richesses et l’embauche de fonctionnaires qui va constituer une charge. Si vous vous cassez la jambe dans l’escalier, vous allez à l’hôpital, vous aggravez le déficit de l’assurance maladie et vous faites augmenter le PIB. Mais où est la création de richesse ? Mais si vous aider votre voisin à construire sa maison, cela n’augmente pas le PIB!

images La critique du PIB ne s’arrête pas là. Hervé Kempf, spécialiste d’écologie politique, précise dans son livre « Fin de l’occident, naissance du monde » : « Le PIB ne rend pas compte d’un effet majeur de l’activité économique, son impact sur l’environnement. Comme l’avenir du monde repose sur la capacité de l’humanité à maintenir l’équilibre de la biosphère, toute augmentation du PIB signifie l’affaiblissement de cette capacité vitale ». Le naufrage de l’Amoco Cadix accroit le PIB ! Le même auteur fait remarquer que la mesure du PIB donne un chiffre moyen qui masque une réalité importante, à savoir la disparité des revenus. Autrement dit, une augmentation du PIB peut masquer une augmentation des inégalités. L’enrichissement des actionnaires n’est pas équivalent à l’augmentation des salaires !

Il faut donc admettre que le PIB est une mesure grossière et qu’il conviendrait de trouver un indice qui reflète mieux, à la fois la réalité économique et l’incidence écologique. Il s’agirait de mieux mesurer le gain réel de richesse, soustraction faite des dépenses non productives, des dettes et des quantités de matières et d’énergie qu’il a mobilisé. Enfin, et ce n’est pas le plus simple, il conviendrait d’évaluer le degré de satisfaction des peuples, en ce qui concerne le cadre de vie, l’éducation, la santé etc.

Affiche_decroissance_A4nb Il s’agit, ni plus, ni moins, de maximiser le bonheur et de minimiser l’impact sur l’environnement. Cela nous amène à une redéfinition de la richesse qui ne se mesurerait plus seulement en quantité de monnaie, mais ferait intervenir la notion de qualité de vie. Dans cette perspective, la décroissance se distingue de l’austérité en ce sens que la première est démocratiquement choisie et la seconde imposée par une oligarchie dominante. Cette « sobriété heureuse » dont parle Hervé Kempf suppose « une réduction de la consommation matérielle sans que cela soit vécu dans la souffrance et le sentiment de privation ».

Nous mesurons tous le degré d’utopie de telles invocations, mais sans doute, faut-il compter sur une prise de conscience progressive et souterraine des citoyens pour qu’émerge une nouvelle façon de vivre, librement choisie. Cette hypothèse rejoint une idée qui m’est chère : la démocratie directe. Je suis depuis longtemps persuadé que les citoyens, mis face à leurs responsabilités, sont capables de faire des choix sages, libérés des idéologies partisanes véhiculées par les partis politiques.

La mesure actuelle de la croissance économique donne une idée fausse de la réalité. Ce sont les pays endettés qui ont besoin de croissance pour diluer leurs dettes. Par conséquent, la première étape vers une société de décroissance consisterait à supprimer la dette. Certains proposent tout simplement de ne pas rembourser les créanciers, ce qui serait très malhonnête mais théoriquement possible… à condition de ne plus avoir besoin d’emprunter ! Mais il se peut qu’il existe des richesses que l’on ne peut accumuler et qui ne se comptabilisent pas? … à suivre…

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