917 – L’IMPUISSANCE EUROPEENNE

D’année en année, l’Europe est de plus en plus inexistante, car elle ne se donne pas les moyens d’être puissante ! Ultime humiliation : comme pour une nation vaincue, les puissances étrangères décident de son destin…

 J’ai déjà écrit sur cette impuissance européenne qui me tourmente au plus haut point, comme si elle n’avait pas la parole et que son avis n’avait aucun poids, non seulement dans le monde, mais aussi en Europe.

Un éditorialiste du Journal Le Temps déplorait, cette semaine, à propos de l’Europe : ce « sentiment envahissant de son inconsistance, comme s’il y avait au fond qu’un grand espace vide de l’Atlantique au Don, soumis aux jeux de puissances placées à ses confins, qui lorgnent sur lui et décident de son destin ».

Les frontières de l’Europe

Selon la formule célèbre du Général de Gaule, géographiquement l’Europe est un vaste territoire qui s’étend « de l’Atlantique à l’Oural ».

Mais, suivant où il habite, chacun possède sa vision et sa représentation personnelle de l’Europe. On ne pense pas pareil à Paris, à Prague, à Kiev ou à Saint Pétersbourg. L’histoire a façonné plusieurs « Europes ».

  • Une Europe de l’Ouest qui inventa la modernité et fut longtemps industrieuse et maitresse du monde. C’est elle qui, plus tard, donna naissance au noyau de l’Union Européenne.
  • Une Europe Centrale, qui était jadis tournée vers Berlin et Paris, mais dont le destin bascula vers l’Est à la suite du dépeçage de l’Autriche-Hongrie et de la mainmise soviétique. C’est ainsi que, dans le langage, cette « Europe Centrale» est devenue « l’Europe de l’Est », terminologie dont nous ne sommes pas encore débarrassés, malgré son rattachement à l’Union Européenne ! Bien avant la chute de l’Union Soviétique, Milan Kundera avait écrit un texte dont le titre résumait bien la situation : « Un Occident kidnappé ou la tragédie de l’Europe Centrale ». Ces pays furent, en effet, soudain privés de leur identité revendiquée, leur appartenance à l’Ouest.
  • Et puis, il y a l’Est profond, dominé par le monde Russe, qui fait figure de repoussoir et que l’histoire a souvent voulu assimiler à la barbarie. On peut bien sûr faire remonter cette représentation imaginaire à Vladimir Ier de Kiev qui, au dixième siècle, opta pour le catholicisme byzantin. Le long épisode soviétique est encore frais dans nos mémoires et nous portent, sans cesse, à vouloir positionner la Russie dans le camp de l’ennemi.

La Russie est européenne

Nous portons encore les cicatrices infligées par l’histoire, et l’Occident se croit encore du temps de la Guerre froide, où chacun disposait ses pions pour contrecarrer l’hégémonie soviétique.

La Russie désire conserver ou retrouver son influence sur les peuples de l’Est Européen profond, comme l’Ukraine qui a toujours fait partie de sa zone d’influence. Dans ces conditions, vouloir intégrer l’Ukraine dans l’OTAN relève de la provocation de la part des Américains qui, une nouvelle fois, veulent intervenir dans des zones où ils n’ont rien à y faire. Cette proposition, de même qu’un armement hostile en Ukraine, est tout-à-fait impossible à accepter par les Russes et on les comprend !

C’est dans ce contexte que l’on assiste à une dégradation des relations entre Washington et Moscou, à une escalade verbale par-dessus la tête des Européens, à des menaces guerrières aux portes de l’Ukraine et à des menaces de rétorsions !

Tout ce charivari se fait sans l’avis des européens, qui sont chaque jour humiliés. Les présidents Russe et Américain discutent, se menacent, s’apaisent et font à nouveau de la surenchère verbale, sans en référer à l’Union Européenne qui subit ainsi sa plus grande humiliation depuis son origine…

US go home

Lorsque j’étais enfant, les murs de la ville où j’habitais étaient couverts de graffitis avec l’inscription « US GO HOME ». Une base de l’armée américaine avait en effet élue domicile dans la ville, ce qui n’était pas du goût de tout le monde. Il fallut l’arrivée de De Gaule au pouvoir pour qu’il prie les militaires de retourner chez eux.

Mais l’armée américaine dispose encore de bases en Europe, en Allemagne et en Pologne par exemple. L’ensemble des pays européens adhère à l’OTAN qui demeure sous commandement américain. L’OTAN est une organisation d’un autre âge, qui était justifiée du temps de l’Union Soviétique, mais qui aujourd’hui n’a aucun sens.

L’armée américaine est si puissante qu’elle se cherche des ennemis, partout dans le monde. Elle est aujourd’hui orpheline de l’Irak et de l’Afghanistan, elle se croit obligée de venir en Europe pour s’exercer. Elle provoque la Russie de façon totalement gratuite et sans raison, alors que l’intérêt de l’Europe est de s’allier avec elle. Si l’armée américaine manque d’exercice, elle peut toujours aller faire un tour du côté de Taiwan où elle risque d’avoir fort à faire !…

Les pays Européens doivent donc quitter l’OTAN, mettre sur pied leur propre armée et mener leur propre politique. L’armée américaine doit rentrer chez elle, afin de ne pas déstabiliser l’Europe. Moins l’Europe sera sous tutelle, plus elle se sentira responsable de son destin !

Nous avons encore tous en mémoire les fameuses « armes de destruction massive » que devait détenir Sadam Hussein et qui ont justifié l’intervention américaine en Irak ! Ce n’était que mensonge. Le gouvernement américain récidive en prétendant que les Russes vont envahir l’Ukraine ! Ceci n’arrivera que si les Occidentaux continuent leur politique agressive et leurs menaces en Europe Centrale. Peut-être faudrait-il mieux envisager une partition de l’Ukraine ?

Peut-on encore rêver d’une Europe forte et puissante ?

L’exemple de la Russie nous montre qu’un pays peut être faible économiquement mais puissant sur l’échiquier du monde. Le PIB de la Russie est inférieur à celui de l’Italie, ce qui ne l’empêche pas de tenir tête à l’Europe et surtout aux USA. Ceci prouve, une nouvelle fois, que la puissance d’une nation s’appuie d’abord et avant tout sur la puissance militaire.

Par rapport à l’Europe, la Russie est un nain économique, mais un géant militaire ! Le résultat est clair, la voix de Poutine est écoutée, celle de l’Europe ne compte pas, d’autant que personne ne peut s’exprimer au nom de l’Europe, qui est une coquille vide.

L’Europe deviendra autre chose qu’un « canard sans tête » le jour où elle aura un vrai gouvernement central et une armée autonome, puissante. On peut le regretter, mais depuis que le monde est monde, les humains ne respectent que la force !

Je milite depuis longtemps pour que l’Europe sorte de sa léthargie et ose enfin s’affirmer, sinon elle retournera à ses vieux démons, à ses querelles autodestructrices. Quel leader aura le souffle et l’énergie pour dynamiser l’Europe ? Seule l’Allemagne peut prendre le leadership d’une telle croisade, mais elle reste encore trop protégée par le parapluie américain qui ne lui coûte rien, si ce n’est sa liberté !

Si l’Europe ne parvient pas à se construire politiquement, comme une super-nation indépendante, elle sera toujours tiraillée et ballotée entre les puissances hégémoniques et finira par se déliter et disparaitre. Je l’ai déjà dit, l’Europe ne peut rester au milieu du gué car elle y sera emportée par la prochaine crue.

Si les citoyens européens n’ont pas l’énergie pour construire cette grande Europe, il vaut mieux que chaque nation reprenne son destin en main et se résigne à n’être que des « petites nations éternelles », pour reprendre les mots de Milan Kundera, et soumises aux aléas géopolitiques futurs …

Ce qui se passe en Ukraine et les discussions Poutine – Biden, sans en référer à l’Europe, constituent la suprême humiliation. Jusqu’où est-on prêt à s’abaisser sans oser s’affirmer ? « L’Europe ne sait plus vraiment qui elle est et elle tend à se fondre dans un mondialisme confortablement uniforme » constate le journal Le Temps. L’Europe doit prendre conscience qu’elle est, avant tout, européenne, et que la Russie aussi ! Elle a tout à perdre d’une confrontation avec son voisin…

 

 

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