Il est plus facile de changer de costume que de changer d’idée ! L’adhésion à une mode, à une organisation, à un réseau social, à une religion, à un parti politique ou à un mouvement d’idées nous enferme souvent dans une bulle cognitive. Dans cette position, nous sommes prêts à défendre nos idées avec acharnement, sans avoir évalué celles des autres.
La meilleure façon d’être dans une bulle cognitive est de pratiquer la censure. C’est ce que pratiquent nombre de gouvernements, y compris dans certaines démocraties, comme nous le vivons actuellement. A force de répéter les mêmes choses, nous finissons par y croire ! Mais il existe bien d’autres façons de se laisser enfermer dans une bulle cognitive…
Ainsi, dans la vie de tous les jours, il est difficile d’échapper aux bulles cognitives, même si l’on vit sur une ile déserte. Nous adhérons à une famille, à une culture, à une époque dont nous sommes imprégnés. Nous avons reçu une éducation, nous lisons des livres et des journaux, nous avons des échanges. En bref, nous ne sommes pas un électron libre ! Nous avons notre propre vision du monde.
L’inconvénient des bulles cognitives c’est qu’elles sont à l’origine aussi bien des disputes familiales que des conflits armés. Le résultat est que l’on n’écoute pas les points de vue de ceux qui sont enfermés dans une autre bulle cognitive que la nôtre. Disons qu’elles constituent le principal obstacle à la vie harmonieuse des sociétés humaines. Il n’est pourtant pas nécessaire d’être convaincu pour respecter ceux qui ont un autre point de vue.
Écouter et essayer de comprendre le point de vue des autres, c’est le minimum que nous devrions faire, cela peut paraitre simple, mais c’est chose très difficile, car nous sommes bourrés d’a priori qui brouillent notre intelligence. Pour m’aider, je garde à l’esprit cette phrase d’Einstein : « la mesure de l’intelligence, c’est la capacité à changer » …
Deux exemples édifiants
Il convient tout d’abord de prendre conscience des différentes bulles cognitives dans lesquelles nous évoluons, car nous avons une bulle différente pour chaque domaine qui nous préoccupe. La politique, l’économie, la santé, la science ou même le sport constituent autant d’occasions de s’enfermer dans une nouvelle bulle cognitive.
L’épisode du Covid a donné lieu à un très grand nombre de bulles cognitives à l’intérieur desquelles nous étions tous persuadés d’avoir raison. Il fut étonnant de constater que, dans un domaine dans lequel tant le corps médical que les citoyens ne savaient pas grand-chose, des camps irréconciliables se formèrent, chacun affirmant son point de vue avec d’autant plus de force qu’il était mal étayé !
Très vite se détacha un point de vue officiel qui fut présenté comme la vérité. Aussitôt les autorités sanitaires et politiques ont pratiqué une censure qui ne permit pas aux autres points de vue de s’exprimer, relégués sous l’étiquette infamante de « complotismes ».
Il existe encore des cloisons étanches entre les camps opposés, au point qu’aucun débat sérieux et serein n’a pu avoir lieu, y compris au sein du corps médical, sur l’efficacité réelle du fameux vaccin et sur la nature et la gravité des effets secondaires.
La guerre en Ukraine nous offre une autre occasion de se laisser piéger à l’intérieur d’une bulle cognitive. La situation est assez similaire à celle du covid, avec un point de vue officiel largement partagé par une majorité de citoyens et martelé par les media. La parole de ceux qui ont une approche moins tranchée est censurée.
L’Ukraine est présenté comme l’agneau innocent et la Russie comme le grand méchant loup. Mais la voix de Moscou en langue française a été interdite pour que les citoyens restent bien enfermés dans leur bulle cognitive, coupés des informations contradictoires. Finalement, les démocraties imitent les dictatures. C’est ainsi que la guerre continue avec ses destructions, ses morts et ses blessés… Pendant ce temps-là, chaque camp affirme avoir raison : mieux vaut mourir que de sortir de sa bulle !
Se méfier des théories !
Les bulles cognitives sont d’autant plus fortes et fermées si elles prennent naissance dans une structure pyramidale très structurée par une hiérarchie et appuyée par une théorie. Comme chacun sait, les théories sont fluctuantes et évoluent avec le temps, mais les adeptes se cramponnent souvent à des idées périmées. Comme l’a écrit l’économiste Nassim Taleb, que j’aime bien citer : « Il est toujours dangereux de se fonder sur une théorie ».
Ce n’est donc pas un hasard si les bulles cognitives les plus imperméables se constituent dans le domaine des religions, de la médecine et des sciences socioéconomiques où les croyances erronées, ou non fondées, peuvent perdurer longtemps. Partout où l’on observe une concentration des pouvoirs, les bulles cognitives sont peu perméables !
L’histoire dramatique la plus emblématique est celle du médecin hongrois Ignaz Semmelweis qui exerçait à l’hôpital de Vienne où les fièvres puerpérales concernaient la majorité des femmes venues accoucher. Vers 1850, le Docteur Semmelweis remarqua qu’en se lavant les mains avant de procéder à un accouchement, le taux de mortalité chutait. Il tenta de faire adopter cette pratique par l’ensemble de l’hôpital. Cette idée parue si stupide qu’il fut renvoyé de l’hôpital et qu’il ne parvint jamais à la faire admettre ailleurs. Il mourut dans le dénuement !
Il ne faut pas croire que la triste épopée du Docteur Semmelweis est unique et appartient à un passé révolu. Lors de la récente épidémie du covid, la hiérarchie médicale a longtemps refusé tout traitement et ensuite a édicté des recommandations de traitements qui sont à l’origine d’un grand nombre de décès, car il s’agissait d’antiviraux très toxiques, mais brevetés et très onéreux.
La vaccination donna lieu à une autre bulle cognitive malgré des résultats décevants et malgré l’ignorance totale du corps médical sur les effets délétères possibles. Les solutions naturelles furent rejetées malgré les premiers résultats très encourageants. Relire à ce sujet la chronique 870 « Existe-t-il une alternative à la vaccination ?».
Bien d’autres pratiques médicales se sont laissé enfermer dans des bulles cognitives hermétiques, en particulier dans l’usage d’un certain nombre de médicaments dont les effets secondaires surpassent les bénéfices à en attendre… La liste en est longue !
De leur côté, les malnommées « sciences sociales » ou « sciences économiques » n’ont rien de très scientifiques, mais ne sont qu’un échafaudage de théories variables avec le temps. Tant les rapports humains, que l’économie, sont des systèmes complexes qui obéissent à des lois aléatoires non rationnelles. Par exemple, la croyance selon laquelle les États peuvent s’endetter à l’infini, sans avoir jamais la nécessité de rembourser leurs dettes, risque d’être une bulle cognitive qui peut emporter l’économie !
Internet et réseaux sociaux
Vous l’aurez sans doute remarqué, il suffit de commander un livre sur Amazon pour qu’aussitôt le site vous propose des livres sur le même thème. Si vous commandez un caleçon sur internet, vous êtes envahi de suggestions sur les sous-vêtements. Tout cela est basique…
Les mailles du filet deviennent plus serrées lorsque nous naviguons sur les réseaux sociaux qui ont vite fait de repérer nos centres d’intérêts, nos opinions politiques, nos goûts culinaires ou nos orientations sexuelles. C’est ainsi qu’il se forme des communautés de pensées et de centre d’intérêts à l’intérieur desquelles on est vite enfermé, et l’accumulation de personnes du même avis finit par nous faire croire que notre opinion est partagée par la majorité. Les big data cernent les individus et les renferment dans leurs désirs.
Jusqu’ici, rien de bien grave, jusqu’à ce que les régulateurs s’en mêlent et caviardent les informations qui ne sont pas conformes à l’idéologie du politiquement correct. Vous finissez par croire que vous êtes le seul à penser que l’idéologie LGBT est envahissante et casse-pieds ! Vous vous sentez isolé, tout seul dans votre bulle et vous finissez par douter de votre santé mentale… Facebook est ainsi devenu un expert dans la manipulation des bulles cognitives.
C’est sans compter sur l’intervention des robots qui viennent brouiller les cartes. Des petits malins font envahir les réseaux sociaux par des messages zombies générés par des robots. En politique, par exemple, on peut ainsi vous faire croire que telle idée ou tel parti a le vent en poupe et recueille une si large majorité qu’il ne vous reste plus qu’à y adhérer. Vous êtes piégés dans la bulle… Le scandale de Cambridge Analytica a montré, dès 2004, c’est-à-dire à l’âge de pierre, qu’il était possible d’influencer le vote des électeurs en leur présentant individuellement des informations fabriquées.
Intelligence artificielle et ChatGPT
Le développement fulgurant de l’intelligence artificielle débouche sur des problématiques nouvelles, encore insoupçonnées. Il est désormais possible de converser individuellement, comme en privé, avec des serveurs spécialisés qui non seulement répondent à nos questions, mais peuvent partager des émotions qui influencent notre psychisme. C’est ainsi qu’un ingénieur fut licencié par Google pour avoir fait état publiquement de son trouble lors d’un échange avec une intelligence artificielle…
La société Open AI vient de rendre accessible au public ChatGPT, son nouvel outil d’intelligence artificielle spécialisé dans le dialogue interpersonnel. ChatGPT est devenu la première forme d’intelligence artificielle universelle. On peut tout lui demander, simplement, via une question qu’on poserait à un expert humain du domaine abordé, s’il était en face de nous. Il vous répondra comme lui. Nous commençons à mesurer les conséquences possibles et les implications sur nos comportements et nos psychismes fragiles. Nous sommes aux portes de la manipulation de masse individualisée et personnalisée, comme dans le jeu Candy Crush qui génère de l’addiction aux jeux. Nous finissons seul dans notre bulle cognitive !
« Même si l’utilisateur sait qu’il parle avec une machine, il va l’imiter. Et il va faire siens certains de ses tics, de ses manières de s’exprimer, qui à l’origine n’étaient pas humaines », écrit Alexei Grinbaum, physicien et philosophe, dans un article de Janvier 2023 dans le journal Le Monde ... Il ajoute : « L’homme aime savoir qui lui parle, une machine ou un autre être humain, et ne pas brouiller cette distinction. L’intelligence artificielle fait déjà bouger la frontière entre humain et non humain ».
Pas besoin de vous dire que les GAFAM sont sur les rangs pour améliorer notre bien-être, nous faciliter la vie et surtout pour répondre à toutes nos questions, avant même que nous ayons eu le temps de nous les poser, et pour nous inculquer tout ce que nous devons savoir sans jamais oser le demander ! Le temps est proche où la publicité sera remplacée par la manipulation…
C’est ainsi que nous perdons progressivement nos capacités de jugement et notre liberté, en tant que consommateurs, en tant qu’électeurs, mais surtout en tant que citoyens autonomes.
Il se peut que d’ici quelques temps, ChatGPT écrira mes chroniques beaucoup mieux que je ne peux le faire ! Mais ChatGPT a des concepteurs qui lui donnent à manger des tonnes de données, triées et sélectionnées selon les critères du politiquement correct et du postmodernisme. Nous nous installerons alors dans une nouvelle bulle cognitive, plus sophistiquée et invisible…