982 – TERRORISME INTELLECTUEL

La malhonnêteté intellectuelle est l’apanage de ceux qui savent bien manier la langue et les concepts. Elle est aussi fréquente que la malhonnêteté ordinaire, mais plus insidieuse et l’on peut se trouver démuni devant ceux qui nous étourdissent avec des mots et des démonstrations abstraites.

Les nouveaux mouvements woke et de la cancel culture déversent leur idéologie prétendument postmoderne sur une population prête à gober tout ce qui parait à la mode. Même les scientifiques et les chercheurs, qui se prétendent logiques et rationnels, peuvent montrer une totale mauvaise foi si les résultats de leurs recherches n’entrent pas dans le cadre de leur idéologie.

On dénomme « intellectuels » ceux qui sont fascinés par le monde des idées. Or, les idées, contrairement à la matière, peuvent être distordues à notre guise et sont généralement aptes à tout démontrer y compris son contraire. Les idées servent au débat afin de pouvoir confronter différents points de vue. Nous manions tous des idées qui nous permettent de forger nos opinions, mais si nous avons l’esprit sain et ouvert nous acceptons d’en débattre et de changer d’avis.

A certaine époque de l’histoire humaine, les idées à la mode peuvent devenir des idéologies qui s’affirment comme des vérités intangibles et qui ferment le débat. C’est comme si, soudain, la pensée perdait sa fluidité et se figeait, se sclérosait et se rigidifiait. Les dogmes religieux, qui affirment des idées ou des faits, sans possibilité de controverse, sont le prototype de l’idéologie.

Toutes les certitudes indiscutables sont généralement le fruit d’idéologies, c’est-à-dire d’idées vitrifiées. De nombreux partis politiques sombrent volontiers dans l’idéologie dogmatique qui, comme avec les religions, peut conduire à la dictature de la pensée et jusqu’aux pires exactions à l’encontre des contestataires et des récalcitrants. Ce fut souvent le cas dans de nombreux pays communistes ou au contraire ultrareligieux.

Après des années d’apaisement et de débats ouverts, par suite d’une curieuse évolution des idées, l’époque renoue avec des idéologies totalitaires qui, selon la tradition, émane des milieux qui se prétendent intellectuels, ce qui semble donner du poids aux affirmations les plus éloignées du bon sens…

Le terrorisme intellectuel qui a sévit durant l’épisode récent du covid ouvrait la voie à une période sombre. A l’aide d’une suite éhontée de mensonges, le soi-disant vaccin contre le covid a débouché sur le plus grand fiasco sanitaire du siècle. Non seulement ce pseudo-vaccin ne protégeait pas du virus puisque nombre de vaccinés ont pu contracter le virus plusieurs fois, non seulement il n’atténuait pas les symptômes, mais encore il était accompagné souvent de divers effets secondaires qui continuent à s’accumuler…

Je n’aborderai pas ici l’idéologie postmoderne la plus emblématique et la plus farfelue qui prétends que l’on peut choisir son sexe en fonction de l’humeur du moment ! Je me suis contenté de relever, à titre d’exemple de terrorisme intellectuel, quatre mouvements de pensée à la mode qui viennent d’apparaitre dans l’actualité d’une seule journée. 

L’appropriation culturelle

C’est la peur des écrivains d’aujourd’hui : parler d’expériences qu’ils n’ont pas personnellement vécues. Je croyais que le propre du roman, c’était la possibilité de raconter des fictions et d’inventer des situations plus ou moins réalistes. C’était sans compter avec l’idéologie postmoderne !

Prenons le cas de Joyce Maynard, une des écrivaines américaines les plus acclamées. Elle vient d’écrire un roman, The Bird Hôtel, dans lequel l’intrigue se déroule en Amérique Centrale, où une Nord-Américaine réinvente sa vie en retapant un vieil hôtel. Ce scénario banal a valu des reproches si véhéments que le livre sortira à l’étranger avant de pouvoir sortir aux USA, où l’auteur fut aux prises avec les ayatollahs de la cancel culture !

Il est reproché à Joyce Maynard d’avoir choisi un cadre romanesque qui lui est culturellement étranger. Autrement dit, l’auteur usurpe une identité et un vécu qui n’est pas le sien. Je croyais que la fiction était précisément le propre du roman. Erreur, selon les postmodernes les latinos sont les seuls aptes à parler de l’Amérique Latine !

En bref, dorénavant, le romancier ne peut parler que de ce qu’il a personnellement vécu. S’il est un bourgeois berrichon il est cantonné à n’écrire que sur les bourgeois berrichons contemporains et rien d’autre ! Voilà le progrès postmoderne…

La parentalité positive

Dans une récente chronique, parue dans le journal Le Monde, Elisabeth Roudinesco nous conte les péripéties d’une bataille autour du sujet hypersensible de l’éducation des enfants. Faut-il suivre la tendance à la mode et être hyper-permissif ou bien faut-il savoir être ferme pour inculquer aux enfants la notion de l’autorité ?

Dans le rôle du gentil, nous avons la psychoclinicienne Isabelle Filliozat qui répand sur YouTube « sa souffrance, ses émotions et la détestation de sa mère ». De son enfance malheureuse elle a tiré une idéologie définitive sur l’éducation des enfants qu’elle dénomme « la parentalité positive » et qui consiste à valoriser l’estime de soi.

Pour parvenir à ce but louable, les moyens sont simples, il suffit de laisser les enfants faire ce qu’ils veulent. Les parents sont là uniquement pour les nourrir et les aimer. Ce programme lui a valu les louanges du ministre de la Santé qui lui a confié une mission sur la petite enfance. Parmi ses admirateurs on compte Anne Hidalgo, la maire de Paris, ainsi que « la quintessence d’un progressisme de gauche ».

Certains cliniciens ont tout de même osé critiquer cette dérive laxiste et l’ont fait savoir. Ils furent, en retour, cloués au pilori par une cohorte de chercheurs postmodernes qui ont signé une tribune qui dénonce « un attachement à une discipline honnie, malfaisante, démodée et sans la moindre scientificité ».

L’histoire ne dit pas si les protagonistes ont eux-mêmes des enfants. Mais, lorsque l’on constate le mal-être de nombreux adolescents sans repères, il parait cependant légitime de s’interroger sur les bienfaits de cette parentalité positive qui sévit depuis quelques années…

Le féminisme

C’est bien connu, dans notre société occidentale, les femmes sont aujourd’hui les malheureuses victimes de machos incurables et détestables. Les femmes sont les victimes expiatoires d’une société inégalitaire et elles se languissent dans des emplois subalternes et mal rémunérés.

C’est sur ces bases que deux chercheuses en économie et en sociologie de l’Université de Zurich ont mené leur enquête selon des procédés très scientifiques. Il en ressort un brulot iconoclaste dans lequel on apprend que globalement « les femmes sont moins ambitieuses que les hommes, qu’elles préfèrent un partenaire plus âgé et carriériste, qu’elles visent le temps partiel et que – ô stupeur – elles ne souffrent pas trop de discrimination dues à leur genre ».

De telles conclusions sont intolérables pour les postmodernes dont le fond de commerce repose sur toutes sortes de discrimination. Il se sont jetés à bras raccourcis sur cette étude pour la discréditer car elle est idéologiquement inacceptable ! Ils l’ont disséquée, triturée, et malmenée. Ils ont tordu les chiffres pour essayer de démontrer que, malgré ce qu’elles disent, les femmes sont de malheureuses victimes.

Voilà un autre très bel exemple de terrorisme intellectuel !

La démographie

« Nous vivons à une époque où il est de plus en plus difficile de parler de la naissance, de la maternité et de la famille… Parfois cela ressemble presque à un acte révolutionnaire ». Ces paroles de vérité ont été prononcées par la Présidente du Conseil Italien, Giorgia Meloni, qui dirige un pays où la natalité est en chute libre.

Mais la presse progressiste ne pardonne pas ces paroles, tout simplement parce que Madame Meloni ne partage pas l’idéologie postmoderne. Faire l’apologie de la famille et des enfants est considéré comme une idéologie fasciste !

Giorgia Meloni a aggravé son cas à la tribune du Congrès de son parti en déclarant : « Nous voulons une nation où il n’est plus scandaleux de dire que, quels que soient nos choix légitimes et nos libres inclinaisons, nous sommes tous nés d’un homme et d’une femme. Une nation où il n’est plus tabou de dire que la maternité n’est pas à vendre, que l’utérus n’est pas à louer, que les enfants ne sont pas des produits en vente libre, que l’on peut choisir dans les rayons comme au supermarché ».

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais ces paroles me paraissent du plus parfait bon sens. Ce n’est pas l’avis des communautés LGBT qui se sont violemment insurgées car elles ont considéré que ces propos sont discriminatoires ! Considèrent-ils que les utérus des femmes du tiers-monde sont à louer afin de suppléer à leur infertilité ou bien pensent-ils que les enfants postmodernes n’ont plus besoin d’un père et d’une mère pour exister ? L’histoire ne le dit pas, mais on peut être légitimement inquiet pour notre futur.

Nous entrons dans des périodes sombres et barbares. Le terrorisme intellectuel consiste à nier l’évidence, affirmer des concepts fumeux, à discréditer la parole des opposants et à interdire l’accès aux media à tous ceux qui ne partagent l’idéologie à la mode. Il faut que nous osions nous opposer fermement à cette dictature de la pensée…

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