992 – LA DEMOCRATIE EST-ELLE UNE ILLUSION ?

Par définition, la démocratie est toujours en danger et elle doit sans cesse être défendue. Elle est en permanence menacée par l’anarchie d’un côté et la dictature aveugle de l’autre. La démocratie navigue donc sur une ligne de crête étroite d’où elle peut facilement tomber, si l’on n’y prend pas garde.

Aucun système de gouvernance n’est parfait et la meilleure des démocraties ne manque pas d’imperfections. Elle semble néanmoins, a priori, préférable aux autres systèmes politiques car, d’une part, elle assure un certain degré de liberté d’expression au niveau individuel et collectif et, d’autre part, elle exige un haut niveau de responsabilité.

Autrement dit, on peut affirmer que la démocratie libérale se mérite ! Il est donc légitime que les citoyens de chaque pays démocratique se posent la question de savoir s’ils la méritent…

Chaque pays a sa façon de faire vivre la démocratie, avec plus ou moins de succès, et le même mot est employé pour des systèmes politiques très différents les uns des autres, depuis la pure démagogie jusqu’à la démocratie autoritaire.

On peut néanmoins se poser la question de savoir si les pays qui se prétendent démocratiques le sont réellement et si ce n’est pas qu’une illusion…

La démocratie libérale de masse

Le premier écueil de la démocratie dite « représentative » consiste à confier le pouvoir à une clique qui n’a aucune obligation d’appliquer ses promesses électorales. En outre, cette clique se professionnalise au point que les élus finissent par faire métier de leurs mandats. On peut se demander si la seule vraie démocratie est la démocratie directe dans laquelle le peuple vote les lois et est consulté pour chaque décision au niveau local, régional ou national.

Plusieurs pays occidentaux, qui prétendent vivre sous un régime démocratique depuis près de deux siècles ont, au fil des années, assoupli et libéralisé leur système démocratique à tel point que, sous prétexte de liberté, tout est permis et son contraire. Cette lente dérive se fait sous le beau qualificatif de « libéral » ce qui lui donne une apparence de vertu.

Les citoyens de ces pays, dont la France est le prototype, apparaissent comme des enfants gâtés qui revendiquent chaque jour plus de liberté, plus de droits, et moins de devoirs, moins de responsabilité ! Ils sont comme les « gentils membres » des clubs de vacances qui sont pris en charge, déresponsabilisés de tout, choyés, dorlotés et bien nourris.  Leur moindre désir est un ordre…

Le risque majeur de cette pseudo démocratie libérale, c’est de plonger les masses dans un système démagogique qui ne sait jamais dire non ! Le peuple, par nature, est comme les enfants, il veut toujours plus de droits et moins de responsabilités. Le point faible des démocraties c’est que, pour être élus, les candidats doivent beaucoup promettre et céder à tous les caprices, au point que l’on peut se demander si le destin de tout système démocratique n’est pas de sombrer dans la démagogie, c’est-à-dire le laisser-aller.

Dans un système démagogique, les citoyens deviennent tyranniques, comme des enfants capricieux. Ils sont prêts à tout casser pour que le gouvernement cède à leurs caprices, comme la France en a fait récemment l’expérience !

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le système démagogique ne conduit pas à une société apaisée et repue, bien au contraire. En effet, les aspirations et les désirs des uns et des autres étant très différents, voire opposés, les affrontements surviennent.

On reconnait un système démagogique à la virulence des propos dans les media et à l’intolérance dans les débats. Dans une démocratie assumée les débats contradictoires sont courtois et fermes, comme c’est le cas en Suisse. Dans une démocratie qui sombre dans la démagogie les débats deviennent haineux et se transforment en invectives.

Les media attisent volontiers l’affrontement irrespectueux qui se transforme en duel à mort d’où doit émerger un perdant et un gagnant pour plaire à l’audimat. Le vrai débat d’idées est absent et les journalistes vont extraire « une petite phrase » qu’ils vont agiter comme un chiffon rouge pour faire monter les enchères médiatiques, et l’émotion, afin de plaire au peuple.

La démocratie est à bout de souffle lorsque certains partis politiques ne parviennent pas à s’exprimer car ils sont considérés comme n’étant pas « politiquement corrects ». C’est le cas en France avec ce que les media dénomment avec mépris « extrême gauche » ou « extrême droite » afin de leur jeter l’opprobre. On ne voit pas très bien ce que ces partis ont de plus « extrême » que les autres, ils ont sans doute un programme qui, dans un véritable système démocratique, devrait pouvoir être exposé et respecté au même titre que les autres…

L’Aristocratie de l’esprit

Pour éviter les difficultés et les embuches de la démocratie de masse, dans laquelle chacun peut s’exprimer, on peut revenir à ce que fut la démocratie athénienne qui s’épanouit au Vème siècle avant J.C.

Il s’agissait de la démocratie des élites, dans laquelle moins de 20% de la population étaient autorisés à voter. Les lois étaient votées directement par le peuple qui élisait les juges. Malgré les ajustements de Périclès, la démocratie athénienne n’était pas exempte de clientélisme et elle ne tarda pas à manipuler les masses et à sombrer progressivement dans la démagogie.

La démagogie débouche invariablement sur la tyrannie lorsque l’anarchie approche. Athènes subit le pouvoir de quelques tyrans, dont le célèbre Alcibiade, dès le IVème siècle et se disloqua sous les coups de boutoirs de Sparte, puis des Perses. A la mort de Socrate en -399, la démocratie n’était plus qu’un souvenir, ce qui fit dire plus tard à Cicéron « la Grèce avait davantage de tyrans qu’un tyran n’a de gardes du corps » !…

Peut-on craindre que certaines démocraties libérales occidentales suivent le même chemin que la démocratie athénienne pourtant citée en exemple ?

La dictature éclairée

Lorsque la démocratie se pervertit et sombre dans la démagogie et que l’anarchie approche, les citoyens se mettent à rêver d’un système fort qui remette de l’ordre dans la cité. Hélas, à l’approche de l’anarchie un tyran ne tarde pas à se présenter, trop souvent avide de pouvoir. L’histoire des civilisations, sous toutes les latitudes et à toutes les époques, fourmille d’exemples de tyrans plus ou moins féroces qui dirigèrent les populations en recherche d’un leader.

La République Romaine avait institué le système du tyran nommé pour une certaine période et doté de tous les pouvoirs pour remettre de l’ordre dans le pays. Il m’arrive de rêver d’un dictateur éclairé, bon père de famille, juste, compétent et efficace, capable d‘agir pour le bien de son peuple. Cette idée est sans doute utopique, comme toutes les belles idées. C’était l’idée de base qui animait la royauté qui fonctionna pendant des millénaires avec succès, malgré des épisodes catastrophiques.

Les systèmes autoritaires qui ont cours en Russie ou en Chine sont des intermédiaires entre la dictature éclairée et la tyrannie élective de la république romaine. Le mot tyran n’avait pas la connotation ultra-négative qu’elle a aujourd’hui ! Quoi qu’on en pense, La Russie et la Chine sont gouvernés de façon efficace, même si c’est à notre détriment. L’avenir dira si notre système de démocratie libérale sera plus efficace et surtout plus pérenne que les régimes autoritaires avec système électif !

Le système de gouvernance autoritaire de la Russie et de la Chine peut aussi être comparé à la démocratie élitiste du temps de la démocratie athénienne. Une élite cultivée exerce le pouvoir. N’est-ce pas un peu la voie que commencent à prendre les démocraties libérales qui accaparent les media pour mieux manipuler les masses. Le peuple vote pour des représentants qui votent des lois selon les directives de l’élite cultivée. Il s’agit déjà d’une illusion de démocratie !

Le fonctionnement de l’Union Européenne est assez semblable et peut-être encore moins démocratique qu’en Russie ou en Chine ! Les dirigeants sont nommés par une nomenklatura qui accapare le pouvoir. A titre d’exemple, madame Van der Layen, présidente de la Commission Européenne, et investie de pouvoirs très importants, ne dispose d’aucun mandat électif de la part des citoyens. La répartition des rôles à Bruxelles est aussi opaque que les nominations du Comité Central du parti communiste à Pékin !

Dans un monde parfait, avec des humains raisonnables aux passions apaisées, tout système politique de gouvernement peut fonctionner correctement et durablement. Dans un monde dominé par l’émotion, le mensonge et la manipulation de masse, la démocratie apparait comme un leurre. Il semble que dans tous les pays, malgré des apparences diverses, une élite diplômée accapare le pouvoir, paré du beau nom de démocratie… Je ferai une exception pour la démocratie de la confédération helvétique qui demeure un modèle à suivre… Mais il ne faut pas rêver !

 P.S. J’ai maintes fois abordé ce sujet de l’illusion et de la fragilité démocratique. Vous pourrez relire:

Par ailleurs, je vous conseille d’écouter le point de vue brillant d’un jeune français qui décrit l’origine de l’illusion démocratique:

https://www.youtube.com/watch?v=BwKTbLNOyG8

Ne manquez pas les prochains articles

Laisser un commentaire