1012 – DIEU ET LE BIG BANG

On croyait Dieu mort et enterré, à reléguer dans les greniers de l’Histoire. Les scientifiques nous l’avaient bien dit, depuis des décennies, tout n’est que matière en relation de causes à effet. Circulez ! Il n’y a rien à voir… Mais derrière cette belle mécanique, qui y a-t-il ?

Le rationalisme a dominé tout le XXème siècle pour nous démontrer que l’Univers n’avait rien de mystérieux, que ce n’était qu’un flux mécanique dont la science était chargée de nous dévoiler les engrenages. Autrement dit, nous n’avions pas besoin d’inventer Dieu pour expliquer le monde et l’origine de la vie.

Seuls les esprits très irrationnels et épris de merveilleux croyaient encore en Dieu, relique des temps anciens, quand les humains n’étaient pas encore sortis de leur gangue originelle. Heureusement que la science était là pour nous sortir de notre ignorance et de nos croyances archaïques !…

Mais, il faut toujours se méfier de nos certitudes. Je situe le tournant à la fin du siècle passé, lorsque les physiciens ont commencé à poser définitivement l’hypothèse du Big Bang…

Je viens de terminer la lecture du livre le plus fascinant que je n’ai jamais lu. Un livre qui fera date, le livre qui peut changer notre vision du monde. Les principales notions qui figurent dans cette chronique ont été inspirées par « Dieu, la science, les preuves » dont je ne peux que vous recommander la lecture. Il peut constituer un très beau cadeau de Noël.

Avant le Big Bang ?

Ironie et clin d’œil de l’histoire, on doit cette idée d’un début de l’univers à un prêtre cosmologiste, l’abbé George Lemaitre. Avant lui, et encore longtemps après lui, le consensus scientifique voulait que l’univers ait toujours existé et existerait toujours.

Le grand Einstein lui-même ne parvenait pas à accepter cette idée, malgré l’accumulation de preuves irréfutables. « Non, pas cela, cela suggère trop la création » s’écria-t-il. « Physique de curé !» ironisa-t-il en privé.  Comme quoi on est toujours prisonniers de ses préjugés ! Le terme de Big Bang est une expression forgée en 1949 par un physicien afin de dénigrer le concept d’un début de l’univers.

Le titulaire de la chaire de cosmologie, au Collège de France, s’est lui-même insurgé au sujet du Big Bang : « C’est de la foutaise. L’Univers n’a pas de début, ce n’est plus de la physique, c’est de la métaphysique ». En effet, au début du XXème siècle, l’Univers était considéré par la plupart des hommes de Science comme fixe, immuable, immense, sans limites dans le temps et dans l’espace, et l’idée qu’il ait pu connaitre des changements majeurs ne se posait même pas comme hypothèse.

Entre 1905 et 1915, Albert Einstein révolutionna la physique. Tout d’abord en postulant que la vitesse de la lumière est une constante et un absolu indépassable dans notre Univers. Puis, que le temps et l’espace sont au contraire relatifs, pouvant se contracter ou se dilater selon le référentiel.

Dans un deuxième temps, il présenta ses travaux connus sous le nom de « Relativité générale ». Il théorisait que l’espace, le temps et la matière sont liés et que la présence de matière ou d’énergie déforme l’espace-temps. La distorsion de l’espace-temps fut confirmée expérimentalement, un an avant sa mort, en 1954, par une horloge atomique embarquée dans un avion.

Mais si on suit les implications de sa théorie, on aboutit à un Univers non stable, ce qui pour Einstein était inconcevable. Pour éviter cette hypothèse il ajouta dans ses équations une « constante cosmologique », béquille mathématique pour obtenir un Univers stable.

C’est en 1922 qu’un jeune cosmologiste Russe de 33 ans, Alexandre Friedmann, publia la première étude d’un Univers en expansion, en se fondant sur les travaux d’Einstein lui-même. Ce dernier réagit vigoureusement en disant : « Admettre de telles possibilités semble insensé ». L’année suivante il se rétracta et admis que les calculs de Friedman étaient exacts et « ouvraient de nouvelles voies de recherche » …

La nouvelle révolution de l’abbé Lemaître

En 1927, un prêtre cosmologiste publie sa théorie de l’expansion de l’Univers. Il calcula très précisément la loi de proportionnalité entre vitesse de fuite et la distance des autres galaxies. Cet article fit beaucoup de bruit parce qu’il contredisait toutes les certitudes de l’époque. « Vos calculs sont justes, mais votre intuition physique est abominable » s’emporta Einstein.

Presque toute la communauté scientifique s’insurgea contre les théories de Lemaître, et elle n’avait pas encore tout entendu. En 1931 il va émettre une hypothèse, encore plus difficile à admettre, avec la notion d’atome primitif qui aurait précédé l’expansion : « Nous pouvons concevoir que l’espace a commencé avec l’atome primitif et que le commencement de l’espace a marqué le commencement du temps ».

Le tollé fut général, car l’idée d’un commencement à partir de rien suppose un créateur. Pour les athées, cette théorie devenait l’ennemi à abattre. Il avait bien fallu admettre l’évidence de l’expansion de l’Univers observée expérimentalement par Hubble dès 1929. « De toutes les grandes prédictions que la science n’ait jamais faites, n’y a-t-il jamais eu de prédiction plus grande que celle-là : prédire, et prédire correctement, et prédire contre toute attente un phénomène aussi fantastique que l’expansion de l’Univers ? » s’exclama le physicien John Wheeler.

Mais admettre un commencement, sous forme d’une sorte de Big Bang, c’était trop pour la communauté scientifique. « Voici l’homme du Big Bang » se moqua un Physicien lors de l’arrivée de Lemaître à un colloque à Pasadena en 1960. L’expression fut reprise par la presse et connu le succès que l’on sait.

Tous ceux qui furent à l’origine de la théorie de l’atome primitif furent déconsidérés et abandonnèrent la physique. Néanmoins, en 1964, c’est-à-dire plus de trente ans après la publication de Georges Lemaître, une équipe de Princeton mis en évidence un rayonnement fossile en provenance du fond de l’Univers, comme il était prévu selon la théorie du Big Bang. Il s’agissait de ce que Lemaître appelait « l’éclat disparu de la formation des mondes ». Ce dernier apprit la nouvelle à l’Hôpital, atteint d’une leucémie, et dit simplement : « je suis content maintenant, au moins, on en a la preuve ».

Le visage de Dieu

Les décennies qui suivirent apportèrent de nouvelles confirmations, confortant ce qui devint « le modèle standard du Big Bang ». En 1992 George Smoot publia la première image du fond de l’Univers, peu de temps après le Big Bang, et prise par divers satellites. Smoot obtint le prix Nobel en 2006 et, projetant sur un écran la photographie de la première lumière cosmique, il s’exclama « c’est comme voir le visage de Dieu ».

Selon ce modèle classique du Big Bang, il n’y a ni temps, ni espace, ni matière avant l’évènement. Le Big Bang est en réalité un déploiement extrêmement organisé en plusieurs phases. Il est alors clair que l’Univers provient d’une cause qui n’est ni temporelle, ni spatiale, ni matérielle, c’est-à-dire d’une cause naturelle, transcendante, à l’origine de tout ce qui existe.

Cet évènement extraordinaire, commencé il y a 13,8 milliards d’années s’est déroulé suivant différentes phases extrêmement précises et organisées, comme si rien n’avait été laissé au hasard… C’est ce que les physiciens dénomment le réglage fin de l’Univers. Prenons G, la constante de gravitation, si par exemple sa valeur n’était pas 6,67418, mais seulement 6,67417, l’Univers n’aurait pas existé !  Il existe des dizaines d’autres constantes, encore plus finement ajustées. « Si l’Univers est créé par un choix aléatoire de paramètres, la probabilité qu’il contienne des étoiles est d’une chance sur 10 puissance 229 » reconnait le physicien matérialiste Lee Smolin.

De son côté, la constante de Planck structure l’Univers et est à la base de la mécanique quantique. Elle règle universellement les niveaux d’énergie de tous les atomes. Et si les lois de l’Univers n’avaient pas programmé cela, le monde qui nous entoure n’existerait tout simplement pas. C’est la raison pour laquelle la célèbre constante de Planck fut dénommée « la constante théologique ».

La communauté scientifique s’alarma de ces découvertes et les physiciens athées cherchèrent pendant presque un siècle à trouver, en vain, un modèle alternatif. Cette idée d’atome primitif était particulièrement inacceptable en Union Soviétique et nombre de physiciens furent envoyés au goulag pour l’avoir défendue. Un fidèle de Staline résume la position des bolcheviques : « Les falsificateurs de la science veulent faire revivre le conte de fées de l’origine du monde à partir de rien ! ».

Sakharov, en une ultime provocation, osa appeler l’origine de l’Univers « la singularité de Friedmann ». Le 22 janvier 1980 au matin, il fut arrêté en pleine rue et envoyé en résidence surveillée à Nijni Novgorod.

« Seul un idiot peut être athée »

Dans la communauté scientifique occidentale, imprégnée de matérialisme, la résistance dura encore longtemps. Mais, à la fin, il fallut bien admettre que le commencement absolu de l’Univers apparait comme un point de jonction entre la physique et la cause créatrice, extérieur à l’Univers. Petit à petit, les plus grands chercheurs se rallièrent à cette théorie et en tirèrent les conséquences : pour expliquer l’Univers les physiciens avaient besoin de Dieu !

Pour Einstein, face à toutes ces coïncidences improbables, le hasard n’est pas le maitre du monde et « Dieu ne joue pas aux dés ». Autrement dit, il y a une cause derrière l’origine de l’Univers…

« Toute la matière trouve son origine et existe seulement en vertu d’une force. Nous devons supposer derrière cette force l’existence d’un esprit conscient et intelligent ». (Max Planck, prix Nobel de Physique).

« Les meilleures données dont nous disposons sont exactement celles que j’aurais pu prédire si je n’avais rien lu d’autre que les cinq livres de Moïse, les Psaumes et la Bible. Le Big Bang a été un instant de brusques créations à partir de rien. L’apparition à partir de rien, de notre Univers ». (Arno Penzias, prix Nobel de Physique).

« Il y a certainement eu quelque chose qui a réglé le tout. A mon sens, si vous êtes religieux, selon la tradition judéo-chrétienne, il n’existe pas de meilleure théorie de l’Univers qui puisse correspondre à ce point à la Genèse ». (Robert Wilson, prix Nobel).

« Je pense que seul un idiot peut être athée. Nous devons admettre qu’il existe une puissance ou une force incompréhensible, dotée d’une clairvoyance et d’un savoir illimités qui a fait naitre l’Univers à son origine ». ( Christian Anfisen, prix Nobel de chimie).

« L’idée que le monde, l’Univers matériel, s’est créé tout seul me parait absurde ; je ne conçois pas le monde sans un créateur, donc un Dieu » (Alfred Kastler, prix Nobel de physique).

« La physique atomique moderne a bousculé les sciences hors du sentier matérialiste sur lequel elle se tenait au XIXème siècle ». (Werner Heisenberg, prix Nobel de physique).

Etc., etc…

Conclusion

« L’Univers m’embarrasse et je ne puis songer que cette horloge existe et n’ait point d’horloger » écrivit Voltaire qui s’interrogeait déjà sur l’origine du monde. « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » aimait questionner Hubert Reeves.

Tout ce qui précède demande une longue méditation. Chacun conclura comme il pourra.

Vous lirez aussi la prochaine chronique ébouriffante n°1013, qui sera la suite de celle-ci, et qui paraitra le jour de Noël et sera intitulée « Le miracle de la vie ».

Vous pouvez aussi relire la chronique n°221 « Le visage de Dieu ».

Ne manquez pas les prochains articles

Un commentaire

Laisser un commentaire