LA NOUVELLE REVOLUTION AGRICOLE

 

Nous avons connu la formidable révolution verte de la fin du siècle dernier : machinisme, technologie, engrais, hormones et pesticides, avec sa cohorte d’effets nuisibles sur l’environnement, sur la santé et sur la société elle-même. Mais la crise économique qui secoue durablement l’occident permet de s’interroger à nouveau sur la pertinence de nos choix, comme nous l’avons déjà fait dans une chronique intitulée: “La modernité est-elle une imposture?”.

L’agriculture biologique s’est déjà bien développée et un plus grand nombre de citoyens a pris thconscience de l’importance de la qualité de nos aliments sur notre santé. La progression continue du cancer est là pour nous rappeler les dangers extrêmes de la pollution chimique et combien nous sommes personnellement et collectivement responsables de la protection de notre santé.

Par ailleurs, nous avons déjà décrit ici les mouvements qui remettent en cause la course à la croissance qui devient de plus en plus illusoire, et qui plaident pour un retour à la nature pour cultiver son petit lopin de terre. La primauté est donnée à la recherche d’un bonheur simple sur le mode de ce que Pierre Rabhi appelle « La sobriété heureuse » (chronique 429). Il nous rappelle cette évidence, à savoir que la croissance qu’a connu l’occident au cours du dernier siècle n’a été possible qu’en prélevant dans la nature des réserves non renouvelables et qui furent bon marché : énergie, eau, matières premières. Ce temps est révolu et il convient peut-être de se remettre en question. Selon Pierre Rabhi, « la seule économie qui vaille est celle qui produit du bonheur avec de la modération », et il ajoute « l’initiation à la modération est source de joie, car elle rend plus accessible la satisfaction, abolissant la frustration que produit le toujours plus ».

41F7Ae9p91L._AA160_ De nouvelles technologies agricoles ont montré la très haute performance qui peut être obtenue en cultivant de façon plus intelligente des petites surfaces, en respectant l’environnement. Dans cette mouvance qui commence à prendre forme, il faut signaler la « permaculture » dont le projet repose sur une éthique qui va au-delà du bio : prendre soin de la terre, prendre soin des hommes et partager équitablement les ressources. Selon Charles Hervé-Gruyer, auteur d’un livre convaincant sur le sujet, « la permaculture propose de prendre la nature comme modèle ». Il va à l’encontre de l’agriculture industrielle que certains définissent comme étant « l’utilisation du sol pour transformer le pétrole en nourriture ». Il y a dans la permaculture une recherche d’harmonie, comme avec Pierre Rabhi, mais s’y ajoute une haute technicité héritée d’une part des peuples premiers et, d’autre part, des maraichers de l’Ile de France au XIXème siècle, puis améliorée par les pionniers Anglo-saxons.

Le grand mérite de Charles Hervé-Gruyer est d’avoir mis en pratique toutes les meilleures théories sur l’amélioration des sols et des rendements. Il a ainsi pu prouver, selon des critères très précis déterminés avec l’INRA, qu’il est possible de réaliser une exploitation maraichère rentable sur seulement 1000 m2 ! C’est une micro-agriculture bio-intensive. Disons le tout de suite, la rupture est totale avec la technologie, puisqu’il n’utilise aucun engin motorisé. Les très hauts rendements ne peuvent être obtenus qu’avec les soins méticuleux apportés par le travail manuel.

Le grand principe de base de la permaculture, c’est que la nature ne peut être appréhendée

culture sur butte
culture sur butte

que dans sa globalité car chaque écosystème est relié. Chaque élément profite aux autres et reçoit d’eux, les déchets de l’un est la ressource de l’autre, tout est recyclé et le tout est plus que la somme des parties… Il n’est pas étonnant donc que le premier souci du permaculteur va consister à améliorer et à régénérer le terrain, au fil du temps, grâce à un compostage intense. C’est pourquoi 60% du terrain doit être consacré à des cultures grosses productrices de biomasse afin de rendre le jardin auto-fertile. La culture se fait sur des buttes de 40 cm de haut autour desquelles on circule, ce qui facilite le travail de la terre et le drainage. Les plantations se font très serrées afin que le sol ne soit jamais à nu et en respectant bien sûr les périodes de maturité et la taille respective des légumes. Autre caractéristique, la permaculture privilégie les légumes persistants comme les épinards perpétuels qui permettent plusieurs récoltes par an.

Unknown Le travail du jardinier-maraicher va être considérablement simplifié car il n’effectue ni labour, ni bêchage. En outre, il se fait aider par des milliards d’assistants muets qui pullulent dans un bon humus : les vers de terre et les bactéries dont le travail souterrain va rendre la terre auto-fertile, c’est-à-dire qu’elle n’aura besoin d’aucun apport. A cet égard il est intéressant de noter les travaux qui ont montré l’importance d’un ensemencement avec une sélection de micro-organismes mis au point par le chercheur japonais Teruo Higa et maintenant utilisés dans le monde entier par les tenants de la micro-agriculture intensive. Je vous conseille la lecture du très beau livre intitulé « Les micro-organismes efficaces », remarquablement illustré et très pratique.

Dans sa ferme normande, à côté de l’Abbaye du Bec Hellouin, Charles Hervé-Gruyer utilise d’autres techniques d’avant garde comme ses merveilleuses forêt-jardins où il cultive sous des arbres fruitiers ! Bref, sur une surface cultivée de 1000m2, il a produit, toute l’année, l’équivalent de 60 à 80 paniers hebdomadaires de fruits et de légumes ! C’est cela la bio-abondance, c’est à dire « l’art de faire beaucoup avec très peu. Seule la vie y parvient ».

Il n’est pas exagéré de dire que la permaculture est une révolution car elle pourrait permettre le retour à la terre de millions de foyers qui seraient autonomes et obtenant de très hauts rendements sur de très petites surfaces. Faut-il rappeler que plus de cinq millions d’agriculteurs français ont abandonné le métier en l’espace de 50 ans et paradoxalement le pays compte aujourd’hui plus de cinq millions de chômeurs ! Ajoutons que l’agriculture industrielle utilise plus de 10 calories fossiles pour produire une calorie alimentaire: « Aucune civilisation ne peut perdurer en se permettant de gaspiller dix calories pour en produire une »…

 

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