Les mammifères soufrent-ils comme des humains ? Cette question nous dérange et nous préférons l’ignorer car nous connaissons la réponse !
Pendant longtemps on s’est menti à soi-même en acceptant l’idée que, tout compte fait, les animaux n’avaient pas conscience d’eux-mêmes et que leur comportement n’était mû que par l’instinct et des réflexes automatiques. Nous étions installés dans une sorte de confort en nous voilant la face.
Revenons à Darwin
Il suffit d’avoir un animal de compagnie pour savoir qu’il peut être heureux ou triste, qu’il peut souffrir s’il est blessé et qu’il a, vis-à-vis de son maitre, un attachement qui se rapproche fort d’un sentiment d’affection comme nous l’éprouvons.
Darwin estimait déjà que bien malin serait celui capable de « tracer une ligne de démarcation entre action instinctive et action rationnelle ». En 1871 il écrivait : « Nous avons, je crois, démontré que l’homme et les animaux supérieurs, ont quelques instincts communs. Tous possèdent les mêmes sens, les mêmes intuitions, éprouvent les mêmes sensations ; ils ont des passions, des affections et des émotions semblables, même les plus compliquées, telle la jalousie, la méfiance, l’émulation, la reconnaissance et la magnanimité ; ils aiment à tromper et à se venger ; ils redoutent le ridicule ; ils aiment la plaisanterie ; ils ressentent l’étonnement et la curiosité ; ils possèdent les mêmes facultés d’imitation, d’attention, de délibération de choix, de mémoire, d’imagination, d’association des idées et de raisonnement, mais, bien entendu à des degrés divers. »
Compte tenu de ce que nous faisons subir aux animaux depuis la nuit des temps, parler de la souffrance animale dérange notre conscience. Malgré Darwin, nous avons refusé d’envisager que les animaux que nous domestiquons, que nous asservissons, que nous martyrisons dans les laboratoires, que nous transportons comme des marchandises pendant des heures et même des jours dans des wagons et des camions, et que finalement nous massacrons de façon sordide dans les abattoirs, puissent souffrir psychiquement et physiquement. Nous ne pouvons plus nous cacher cette évidence…
Mama
C’est après avoir visionné une vidéo des adieux de Mama à Jan van Hoof que j’ai décidé d’écrire cette chronique. Jan Van Hoof est un néerlandais qui a étudié les singes durant plus de cinquante ans et, en particulier, qui a longtemps côtoyé une guenon chimpanzé dénommée Mama.
Elle est très vieille, elle a 59ans. Elle est allongée sur le flanc, somnolente, très affaiblie et on comprend qu’elle va mourir. Jan Van Hoof entre dans la cage et sort Mama de sa torpeur. Elle grogne un peu et soudain elle le regarde.
La scène suivante est superbe, et ce n’est pas du cinéma : son visage s’illumine d’un large sourire dès qu’elle le reconnait et elle rit du plaisir de le revoir. Il se penche vers elle et aussitôt elle lève son bras, lui caresse les cheveux avec ses doigts et lui passe le bras autour du cou. L’émotion est intense face à cette admirable scène d’adieu.
Les singes sont nos cousins proches, nous partageons avec eux plus de 99% de notre patrimoine génétique. Regardez le regard triste des singes dans les zoos et vous admettrez qu’eux aussi éprouvent des émotions et des sentiments. Ils ont le sentiment d’exister. Regardez, sur la photo ci-dessus, l’air épouvanté du singe dans un laboratoire de recherche!
L’humanité est cruelle
L’homme a toujours été, et est toujours, le plus grand prédateur sur cette terre. Il a éliminé toutes les espèces qui lui faisaient de l’ombre et, en particulier, les hommes de Neandertal. Puis il a pourchassé nombre d’espèces jusqu’à l’extinction. Ensuite, il s’est lancé dans l’élevage sédentaire afin d’avoir accès facilement à une nourriture abondante. Il a asservi les chevaux, les bœufs, les ânes, les buffles et même les éléphants pour s’en servir comme outils.
Les techniques d’élevage se sont perfectionnées, rationnalisées, industrialisées jusqu’à devenir des usines biologiques dont notre regard n’ose même pas soutenir les images. Je vous épargnerai les descriptions des élevages qui peuvent compter des milliers, ou même des centaines de milliers de têtes, entassées dans des périmètres exigus et dont la vie consiste à n’être que des tubes digestifs.
Comme à Treblinka
Vous connaissez aussi leur destin. Vous savez qu’ils sentent l’odeur du sang et savent qu’ils vont mourir. Ils ressentent le stress et leur corps est inondé d’hormones de stress que nous allons ingérer. Il n’est pas rare que le dépeçage commence avant que l’animal ne soit mort !
J’ai connu de près, et j’ai participé en tant que chercheur à de nombreuses expériences sur des rats, des chiens et des chats. Implantation d’électrodes ou de cathéters, action pharmacologique des médicaments, ablation d’organe etc. Ces animaux étaient le plus souvent soumis et même coopératifs pourvu qu’on les caresse. Puis, ils étaient sacrifiés après l’expérience, qui pouvaient durer des mois de souffrance…
Je ne suis pas fier de cette période et, comme toujours, personne ne se posait de question, comme à Treblinka ! Tout était normal ! L’homme possède cette caractéristique étrange de ne pas regarder la réalité en face, lorsque cela le dérange… Aujourd’hui, les chercheurs greffent des cœurs de porcs sur des babouins dans une visée médicale. Au nom de quel principe la vie d’un homme est plus importante que celle d’un babouin ? C’est tout simplement la loi du plus fort !
Comment pouvons-nous rester insensible à ces souffrances que nous ne pouvons plus ignorer ? Il est douloureux de prendre conscience que l’homme est la plus cruelle des espèces.
J’ai en moi, depuis longtemps, cette question lancinante : pourquoi les humains sont-ils si cruels entre eux et vis-à-vis de tout ce qui est vivant ? Cette étrange caractéristique a sans doute permis à l’homme de proliférer. Du point de vue de l’évolution, cette cruauté a permis à l’humanité de s’imposer comme maitre de la nature. Que le meilleur gagne ! La nature ne fait pas de sentiment…c’est la loi du plus fort.