951 – ESCAPADE D’AUTOMNE

Les belles lumières d’automne sont un appel au voyage, le long des belles routes qui sillonnent la France. Je vous recommande la route de Grenoble à Sisteron : 145 kms au milieu d’une nature somptueuse…

Pour se changer les idées et s’éloigner pour un temps du climat ambiant anxiogène, cette demi-saison nous a paru propice à la flânerie dans la campagne. Rouler doucement sur les belles routes de France est une source inépuisable de plaisirs et de découvertes. Chaque saison a sa lumière et chaque tournant offre une nouvelle perspective.

Notre route favorite part de Grenoble en direction de Sisteron et nous venons de la parcourir une nouvelle fois avec un plaisir renouvelé. Je vous recommande cette route qui chemine doucement au pied des Alpes. Tout commence par une très belle autoroute qui monte sur une trentaine de kilomètres dans une large vallée dominée par les massifs du Vercors à l’Ouest et du Dévoluy à l’Est, et parsemée de petits villages à flanc de montagne.

Puis l’autoroute s’arrête, inachevée. Elle devait rejoindre Sisteron pour se brancher sur l’autoroute de Gap. Mais les écologistes locaux ont lutté pendant des années pour éviter l’irréparable, c’est-à-dire qu’une énorme balafre aille transpercer et définitivement défigurer deux des plus belles vallées de France : le Trièves d’abord et le Buech ensuite.

Le Trièves

Imaginez une immense dépression au milieu d’un puissant massif alpin et protégée comme une forteresse. La route sillonne ce territoire gigantesque avec une vue à 360° sur les montagnes qui le dominent au loin.

On ne sent pas écrasé car les dimensions de ce cirque sont impressionnantes, la vue porte au loin et l’on aperçoit un peu en contre-bas, à l’écart de la route, de beaux villages alpins aux puissantes et vastes maisons :  Monestier du Percy, Le Percy sur son éperon rocheux ou Mens, ne sont pas des villages morts, ils sommeillent et il faudrait peu de choses pour les réveiller.

Nous sommes profondément émus par ce paysage somptueux, par cette immensité et cette beauté. Il suffit de quitter la route et se mettre à l’écart au calme pour se reposer, pour méditer ou, plus prosaïquement pour pique-niquer ! On pourrait rester là des heures et on imagine avec effroi ce que serait devenue cette région, si les terrassiers avaient poursuivi leur œuvre et si le tracé de l’autoroute l’avait violé !

La route est belle, elle pourrait être tranquille, et seulement parcourue par des voitures de touristes paisibles. Hélas, l’homme ne respecte rien et a décidé de tout saccager au nom de la modernité. D’immenses camions semi-remorques empruntent cette route pour gagner le sud de la France sans avoir à payer de péage ! Ils peuvent venir de Lyon ou d’Allemagne, de plus en plus nombreux d’année en année. Il serait si facile d’interdire ce transit sauvage. Que fait le Conseil Régional ? Écologistes réveillez-vous à nouveau, le combat n’est jamais fini…

La route continue à s’élever en roulant vers le sud pour atteindre le col de la Croix-Haute à 1200 mètres et s’ouvrir soudain sur un tout autre paysage plus méridional et plus ensoleillé, moins vert aussi.

Le Buëch

En descendant du col, le premier village que l’on rencontre, un peu plus bas, est Lus-la-Croix-Haute, 500 habitants, dans un décor sauvage, plus sec et plus rocailleux. C’est là que la rivière Buëch prend sa source et la route suivra sa vallée jusqu’à Sisteron. Nous sommes à cheval sur les départements de la Drôme et des Hautes-Alpes.

La route poursuit sa descente vers la Provence en traversant des villages massacrés par la circulation des camions. Aucun contournement de Saint Julien en Beauchêne, de Serres, ou de Laragne-Montéglin qui sont défigurés. Les maisons de bord de route sont abandonnées car devenues invivables. C’est un crime écologique et il suffirait, dans un premier temps, d’interdire le transit des camions. A cause de cette pollution, certains villages sont en situation de survie. C’est à pleurer !

La route est belle cependant et poursuit sa lente descente vers la Durance. Le Parc naturel régional des Baronnies Provençales est l’atout majeur de cette région. Ici les vergers de pommes, de poires et les champs de lavande règnent en maîtres. Les villages perchés, à l’écart de la route, conservent leur caractère et leur intimité.

Si on a du temps, il faut prendre la sublime route d’Orpierre qui va vers l’Ouest et traverse un massif calcaire de toute beauté, pour atteindre, après une interminable route en lacets, Buis-les-Baronnies, dans cette Drôme sauvage.

Mais si on poursuit sa route tranquillement vers le sud on arrive au pied de la forteresse de Sisteron qui domine la Durance, dont l’eau irrigue toute la région. C’est là que le Buëch finit sa course en mêlant ses eaux à la Durance.

Le petit train de Grenoble à Sisteron

Il existait autrefois une ligne de chemin de fer à une voie qui traversait les régions de Trièves et du Buëch et s’arrêtaient dans les villages qui s’égrènent de Grenoble à Sisteron. Cette ligne existe toujours et nous avons pu constater qu’elle était en réfection ce qui laisse supposer que le petit train reprendra un jour son long cheminement le long des vallées, à travers les tunnels et en haut de viaducs vertigineux que l’on aperçoit le long de la route.

La ligne va peut-être prochainement rouvrir et j’imagine déjà le parti que l’on peut en tirer pour promouvoir un tourisme écologique et paisible. De nombreuses petites gares seront desservies où les voyageurs pourraient séjourner quelques jours avant de repartir. Les maisons fermées pourraient revivre grâce aux locations saisonnières. Des activités locales seraient proposées, à commencer par de magnifiques randonnées en moyenne ou haute montagne ou des locations de vélos.

De petits restaurants verraient le jour, le commerce local serait réanimé, de jeunes couples pourraient s’installer et proposer de nouveaux services, etc… Il suffit de laisser vagabonder son imagination pour entrevoir toutes les possibilités que le « Petit train » ferait émerger. Deux régions distinctes, de chaque côté du col de la Croix-Haute, pourraient revivre grâce à un écotourisme intelligent, loin du tourisme de masse.

Sous l’égide des Chemins de fer de Provence, il existe déjà le mythique train des Pignes qui relie Digne-les-Bains à Nice 4 fois par jour et qui va de la région des châtaigniers, à celle de la lavande puis à celle des fleurs et du parfum… Il manque encore le train du Buëch !

Il faudrait commencer par éliminer les camions en transit qui asphyxient et encombrent la région, sans rien y apporter. Y aura-t-il un mouvement écologique, un député, un groupement de communes pour sortir cette région de la léthargie ? Il suffirait d’une poignée de jeunes déterminés qui pourraient barrer la route aux camions pour les dissuader de passer par là. C’est une question de vie ou de mort pour toute une région.

Retour à la case départ

Nous avons poursuivi notre route jusqu’à Aix-en-Provence en empruntant, à partir de Sisteron, l’autoroute qui vient de Gap et suit la vallée de la Durance, en pente très douce vers la vallée du Rhône.

Après un petit séjour dans la campagne Aixoise, il nous a fallu vite repartir car les stations-services n’étaient plus alimentées en carburant. Nous avons erré désespérément et en vain, pendant plus d’une heure autour d’Aix, à la recherche d’essence. Toutes les stations étaient fermées, à sec ! Un mouvement de grève dont la France a le secret et dont elle s’est fait une spécialité déplorable, qu’elle partage toutefois avec l’Italie.

Grâce à notre persévérance, et une longue queue d’attente, nous avons fini par pouvoir remplir notre réservoir et le lendemain matin nous avons repris la même route vers le Nord, à allure très modérée pour économiser le précieux liquide et pouvoir atteindre Genève…

Nous avons, malgré tout, profité du même spectacle grandiose de Sisteron à Grenoble et pesté contre les camions qui, eux, ne semblaient pas manquer de carburant ! Pique-nique majestueux dans le Trièves avec une vue sur les montagnes qui nous entouraient et sur un petit village, blotti un peu plus bas dans un pli de terrain, avec le clocher de l’église à la fois humble et fier.

Les escapades d’automne, loin du brouhaha du monde, sont souvent les plus belles avec une lumière plus douce et des couleurs plus pastel. Elles sont propices à la méditation et à une profonde réflexion sur ce qui est vraiment important dans la vie. L’agitation des villes dévore notre énergie et n’apporte pas de réconfort. L’immersion totale dans la nature est guérisseuse. Chacun peut profiter de ses bienfaits, sans modération…

La photo d’en-tête est celle du petit village Le Percy, sur un éperon rocheux…

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