1027 – FAUT-IL MOINS MANGER ?

Du point de vue qualitatif, comme du point de vue quantitatif, l’alimentation constitue le principal facteur à l’origine de notre bonne santé comme de nos maladies. Dans ce cadre, la restriction calorique apparait comme un levier puissant pour améliorer notre santé et notre longévité.

Lorsque j’étais enfant, la médecine ne disposait pas encore de la panoplie des médicaments chimiques qui ont fait les beaux jours de l’industrie pharmaceutique et les médecins étaient plus vigilants sur le type d’alimentation de leurs patients.

C’est ainsi que nous avions un vieux médecin de famille dont le leitmotiv était résumé dans cette formule choc : « Nous creusons notre tombe avec nos dents ! ». Tout est dit. Au cours de mes études en biochimie, puis au cours de ma vie professionnelle dans l’industrie pharmaceutique, et ensuite dans le domaine de la médecine naturelle, j’ai toujours pu vérifier cet adage.

Depuis des décennies, la médecine moderne s’est orientée, sans discernement, vers l’utilisation massive de médicaments chimiques qui étaient supposés régler tous les problèmes de santé. Cette médecine chimique s’est appropriée le mérite de l’augmentation de l’espérance de vie qui était, en fait, la conséquence de bien d’autres facteurs. Ce n’était qu’une illusion …

Pendant ce temps-là, les progrès fulgurants de l’agriculture industrielle et de l’industrie agro-alimentaire ont permis de proposer aux consommateurs des aliments très bon marché et de piètre qualité nutritionnelle. En conséquence, beaucoup de nos concitoyens se sont mis à trop et mal manger. Ce phénomène a entrainé une augmentation considérable des maladies métaboliques telles que le cancer, l’obésité et les maladies cardiovasculaires.

Dans certains pays de la « malbouffe », la situation est telle que l’obésité devient endémique et l’espérance de vie commence à décroitre. La chimie, qui est l’arme favorite de la médecine, est inopérante et souvent même pire que le mal qu’elle prétend combattre. Nous arrivons à un tournant où certains médecins commencent à prendre conscience de la gravité de la situation et se tournent vers l’arme qu’ils n’auraient jamais dû abandonner : l’alimentation.

J’ai déjà évoqué l’importance pour la santé de la qualité des aliments et, en particulier, du rôle bénéfique du fameux régime méditerranéen de nos aïeux. (Relire à ce propos la chronique 973 « Vieillir en bonne santé ».) Aujourd’hui, cette chronique sera consacrée à la quantité des aliments, à la restriction calorique.

Historique de la restriction calorique

Depuis la nuit des temps, l’humanité pratique de façon rituelle la restriction calorique. Jésus se retirait dans le désert pour jeûner et méditer. Le carême est cette période, avant Pâques, durant laquelle les chrétiens sont incités à réduire leur alimentation quotidienne de même que les musulmans durant le ramadan.

Toutes ces pratiques religieuses ont aussi une composante sanitaire, comme la tradition chrétienne du vendredi sans viande ou la tradition musulmane du tabou du porc. Mais, un grand nombre de ces restrictions, jugées archaïques, furent balayées durant les trente glorieuses et remplacées par la période de pléthore que nous vivons actuellement.

Les méfaits de l’excès de nourriture sont aujourd’hui bien documentés scientifiquement, à commencer par une véritable épidémie d’excès de poids, même chez les plus jeunes, suivie plus tard par une grande diversité de maladies et une mortalité précoce.

C’est dans ce conteste que la partie la plus éclairée de la recherche médicale remet en question notre alimentation contemporaine et démontre les bienfaits sur la santé du jeûne et de la restriction calorique. La nutrition apparait -enfin- comme le facteur le plus important pour notre santé.

Une étude américaine a montré que la moitié de la mortalité provoquée par le diabète et les maladies cardiovasculaires est directement en rapport à de mauvaises habitudes alimentaires. Pour le plus grand nombre d’entre-nous, il est urgent de changer ces habitudes !

Les bienfaits de la restriction calorique

Un grand nombre d’études ont été réalisées chez l’animal, depuis le ver de terre jusqu’au primate. Tous les résultats convergent pour affirmer qu’une réduction de la ration alimentaire de 20 à 30 % augmente mécaniquement la durée de vie dans les mêmes proportions.

Du point de vue physiologique la restriction calorique, sous toutes ses formes, améliore de nombreux paramètres biologiques liés au processus de vieillissement. Elle augmente en particulier l’autophagie, mécanisme qui permet à l’organisme de dégrader et d’éliminer les débris cellulaires, toutes les vieilles cellules et en particulier les cellules cancéreuses. Il s’agit donc d’un réel nettoyage physiologique.

Plusieurs études ont clairement démontré d’autres effets physiologiques de la restriction calorique, à commencer par une profonde modification de la flore intestinale, une diminution de l’inflammation et de la perméabilité intestinales (1) Une équipe chinoise vient de démontrer que l’effet anticancéreux de la restriction calorique se ferait par l’intermédiaire du microbiote.

Par ailleurs, l’effet antidépresseur bien connu de la restriction calorique, se ferait par l’intermédiaire de l’axe qui relie l’intestin au cerveau. (2)

Cette stratégie ralentit le vieillissement, diminue la morbidité et déconnecte l’âge chronologique de l’âge biologique. Néanmoins, s’il est facile de réduire un peu son alimentation, une restriction sévère et permanente se heurte à des difficultés d’ordre psychologique et à un manque de persévérance, comme on peut le constater chez les personnes qui cherchent à perdre du poids. Toute frustration entraine un effet rebond qui aggrave la situation …

Le jeûne intermittent

C’est la raison pour laquelle la recherche s’est orientée vers des techniques alternatives, moins frustrantes et plus faciles à suivre dans la durée. C’est ainsi que s’est popularisée la notion de « jeûne intermittent », devenu presque un phénomène de société.

Il est connu depuis longtemps que le grignotage durant la journée ou l’irrégularité des repas prédisposent au surpoids, indépendamment des quantités ingérées. De même, des études ont montré un effet néfaste des repas tardifs le soir. D’où l’idée d’espacer les repas et d’intercaler des périodes de jeûnes sans modifier l’apport calorique total. Il s’agit par exemple du supprimer le souper ou le petit déjeuner, ou bien encore de jeûner une journée par semaine.

Durant une courte période de jeûne, le niveau d’insuline baisse, ce qui provoque une libération du glucose du foie où il est stocké sous forme de glycogène. Dans le même temps, survient une décomposition des graisses (triglycérides) des tissus adipeux et une libération des acides gras dans la circulation. Ceux-ci, si le jeûne se prolonge, sont transformés en dérivés cétoniques qui constituent une source alternative d’énergie.

Malheureusement, cette capacité de former des corps cétoniques diminue rapidement avec l’âge, ce qui rend le jeûne intermittent de courte durée moins efficace chez les personnes âgées.

Chez les rats, de petites périodes de l’ordre de 16 à 24 heures, sans apport calorique, suivies d’une alimentation ad libitum, engendrent un allongement de la durée de vie de 15 à 20% et ralentissent la croissance tumorale de 65 à 90%.

Une autre technique efficace consiste à jeûner un jour sur deux. Cela entraine, chez les rongeurs, une diminution de poids de 5 à 30 %, accompagnée d’une baisse des taux de glucose et d’insuline. Étant donné que le cancer est étroitement lié à l’utilisation du glucose, ce type de jeûne ralentit fortement la croissance tumorale du côlon et des seins.

En outre, cette même technique de jeûne confère, chez l’animal, une protection vis-à-vis de l’infarctus du myocarde et améliore les fonctions neurologiques des animaux sujets à la maladie d’Alzheimer.

En clinique humaine, ce type de jeûne intermittent permet d’obtenir les mêmes effets bénéfiques que la réduction calorique. Le jeûne intermittent 5 :2 apparait le plus efficace ; il consiste en 5 jours consécutifs avec une alimentation normale ad libitum, suivis de 2 jours de réduction calorique.

Plus récemment, est apparue une autre façon de faire en limitant la période alimentaire à une fenêtre de 6 à 8 heures dans la journée, mais pas le soir, par exemple exclusivement de 1h à 7h du soir. De bons résultats cliniques furent obtenus, en particulier chez les personnes en surpoids ou atteints du syndrome métabolique : perte de poids, baisse de la pression artérielle et diminution du taux de LDL cholestérol.

Les auteurs d’une étude récapitulative américaine concluent ainsi : « Une des plus grandes découvertes dans le domaine du vieillissement est la reconnaissance qu’une simple baisse de l’apport énergétique peut être grandement salutaire sur la santé globale et la longévité… Un faisceau d’évidence suggère que la longueur du jeûne, l’équilibre diététique et les rythmes circadiens contribuent aux modifications génétiques globales engendrées par la réduction calorique… Les individus avec un déséquilibre métabolique peuvent bénéficier de cette approche diététique ». (3)

Bien entendu, il sera toujours plus efficace d’accompagner la restriction calorique avec une alimentation saine et équilibrée.

Mais il existe d’autres méthodes pour accroitre la durée de vie en bonne santé, sans restriction calorique… Restez à l’écoute, cela constituera le thème de la prochaine chronique-libre.

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Un commentaire

  1. C’est possible de supprimer le petit déjeuner , si vous n’avez pas d’obligations extérieures … Oui mieux vaut privilégier la qualité à la quantité

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