95 – L’ECONOMIE N’EST PAS UNE MACHINE

Nous avons vécu avec cette idée que l’homme crée. En fait nous ne créons jamais rien, nous transformons. Regardez l’économie, on nous a enseigné que la croissance économique est due au génie créatif de l’homme. En sommes-nous bien sûr ?

A y regarder de plus près, nous constatons que la notion même de croissance économique date de l’ère industrielle. D’après une étude de l’OCDE la croissance du PIB a commencé au début du XIXéme siècle et cette croissance a été inférieure à 1% par an en Europe occidentale jusqu’à 1950. A partir de cette période la croissance s’est accélérée et nous avons cru que le génie de l’homme avait trouvé la recette magique pour assurer une croissance perpétuelle. La majorité des experts croit encore aujourd’hui qu’après quelques bricolages dans la machine économique tout va redémarrer comme avant et que chaque pays retrouvera le chemin de la croissance. Ils sont même persuadés que sans croissance économique, il n’y a pas de salut !

Pourtant chacun sait que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. Connaissez-vous un système, une société, un empire, une population ou même une idéologie qui n’ait jamais cessé de grandir ? Il faut être atteint d’une grave paranoïa pour croire que notre modèle économique pourrait échapper au cycle universel de la croissance, de la maturité et du déclin. La sagesse consiste seulement a prolonger au maximum la durée de la maturité. Mais l’homme est peu sage. Essayons de comprendre les fondements de l’économie occidentale pour mieux appréhender où nous en sommes aujourd’hui. Notre économie s’est développée à partir de deux paramètres essentiels : d’une part une forte croissance démographique assurant une main d’œuvre bon marché et, d’autre part, l’accès à des sources de matières premières et d’énergie bon marché. Les deux siècles industriels qui viennent de s’écouler ont engendré la richesse en transformant des matières premières avec de l’énergie fossile pour fabriquer des biens destinés à une clientèle de plus en plus nombreuse. Notons au passage qu’il s’agit d’une transformation et non pas d’une création.

  En effet, malheureusement, l’homme ne crée jamais rien et il ne peut tirer sa richesse que de la transformation. L’homme est inventif, mais il n’est pas créatif, tel est son destin. Or il se trouve que l’occident a en partie perdu ses sources de richesse, à savoir la main d’œuvre, les matières premières et l’énergie bons marché. Nous avions appris à vivre dans la douce opulence et, vers 1990, nous nous sommes assoupis… Cette somnolence a été encouragée par les discours euphoriques des politiciens démagogues qui nous prédisaient des lendemains encore plus enchanteurs. Pour nous plaire, ils ont commencé à dépenser plus d’argent qu’ils n’en avaient et se sont mis à emprunter. Quoi de plus euphorisant que cet argent qui tombe du ciel ? Mais pendant notre sommeil peuplé de songes merveilleux d’autres peuples se sont réveillés et se sont mis à travailler à bas prix. Vous connaissez la suite…

Si nous réfléchissons nous constatons que l’occident s’est enrichi en puisant dans le capital de matières premières et d’énergie qui était à sa disposition gratuitement ou presque. Soyons francs, le génie industriel de l’occident a consisté principalement à bouffer le capital. Aujourd’hui les ressources sont en voie d’épuisement et sont convoitées par d’autres qui sont maintenant plus riches que nous. Dans les temps anciens, avant l’ère industrielle, l’humanité ne vivait que des ressources renouvelables. La terre apportait chaque saison sa subsistance. Il n’y avait pas, à proprement parlé, de croissance économique mais seulement un renouvellement permanent d’un cycle économique. Ce que nous appelons la richesse n’est survenue que lorsque nous avons commencé à épuiser les ressources, c’est à dire à puiser dans le capital.

Vous comprenez maintenant pourquoi il n’est pas possible de bricoler la machine économique pour la faire repartir. Comme l’écrivait récemment Bill Bonner : « En réalité, une économie n’est pas du tout un système mécanique. C’est un système moral. » cela signifie que l’économie est basée sur des règles morales. C’est un système qui récompense la vertu et punit le pêché. La vertu en économie consiste à s’enrichir en travaillant dur, en étant inventif et en épargnant. Le pêché  consiste à dépenser plus que l’on gagne, à épuiser son capital et à persévérer dans cette voie.

Si l’occident veut retrouver un peu de croissance, il lui faudra travailler davantage et dépenser moins, surtout gaspiller moins. Tout cela prendra du temps. Il nous faudra aussi être inventif et imaginatif. Nous devrons penser la croissance économique non pas de façon quantitative, mais de façon qualitative. La qualité de vie ne se mesure pas avec le PIB. A partir d’un certain niveau de confort on peut commencer à parler du bonheur. La grande mutation en cours devrait nous permettre de distinguer le superflu de l’essentiel. Si l’essentiel c’est le bonheur, ai-je besoin d’un nouveau 4×4 et ai-je besoin d’aller chercher aux antipodes ce que j’ai à ma porte ?

Citation du jour :

« Si pour s’enrichir il suffisait de respecter les règles morales, ce ne serait pas un système moral ; ce serait un système simplet. Tout le monde suivrait les règles. Les systèmes moraux sont plus exigeants. Ils vous demandent de suivre les règles sans être sûr de ce qu’ils feront pour vous…

Il faut aimer la vertu pour elle-même. Détester le pêché. Et croiser les doigts. »

Bill Bonner

21 Février 2011 dans Chronique Agora

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