741 – L’EFFICACITE GENERE L’INEGALITE

Les inégalités sont aujourd’hui criantes et choquantes. Est-ce le prix à payer dans les sociétés économiquement efficaces ?

Si on regarde rapidement autour de soi, on constate que les pays économiquement efficaces sont d’une part les plus libéraux d’un point de vue économique et, d’autre part, les plus inégalitaires.

Au contraire, il semblerait que les pays imprégnés par le socialisme, et peu performants économiquement, génèrent moins d’inégalités. D’un côté on peut citer les USA et, à l’autre bout du panel, la France ou l’Italie.

Si on peut poser comme hypothèse que l’efficacité génère les inégalités, on ne peut pas prétendre que les inégalités favorisent l’efficacité, puisque de nombreux pays cumulent les deux inconvénients !

Les inégalités économiques

En dehors des USA, personne n’aime l’irascible Donald Trump, mais personne ne peut contester l’extraordinaire réussite économique des maitres du monde. Celle-ci s’est amplifiée suite aux baisses d’impôts et à diverses libéralisations décidées par l’actuel président.

Il y a 30 ans, le 1% le plus privilégié s’octroyait 8% de la richesse créée. Ce dernier chiffre est aujourd’hui de 18% ! Depuis un quart de siècle une part prépondérante de la richesse s’écoule vers les 0,01% les plus privilégiés, tandis que les revenus de la classe moyenne stagnent…

Dans les années 70, les PDG des grandes entreprises américaines gagnaient en moyenne 30 fois plus qu’un employé moyen. Aujourd’hui, c’est environ 300 fois plus !

L’exemple français est intéressant puisque ce pays est actuellement un des moins performant parmi les pays développés. Le taux de chômage ne bouge pas et reste très élevé, le pays ne parvient pas à se réformer, il reste cloitré dans ses archaïsmes et croule sous le poids de l’Etat-Providence. En bref, c’est tout le contraire d’un pays dynamique !

Mais dans le même temps, en France, les inégalités ne se renforcent pas et restent assez modérées même si, pour les citoyens, ces inégalités deviennent de plus en plus insupportables.

Le lumpenprolétariat

Les inégalités ne se réduisent pas à la feuille de paie de la fin du mois. L’ubérisation de la société, sous le couvert d’un auto-entreprenariat séduisant, fragilise les travailleurs indépendants. Ils sont certes autonomes, mais isolés et sans protection sociale.

Les inégalités se situent aussi au niveau culturel, au niveau éducatif, au niveau du patrimoine, au niveau du statut social, et au niveau psychologique.

On voit ainsi prospérer des poches de sous-développement, dans les banlieues certes, mais aussi dans les campagnes reculées, dans certains milieux peu éduqués, parmi les travailleurs pauvres ou les chômeurs de longue durée. Toutes ces inégalités se conjuguent et risquent un jour de s’amalgamer !

Les relations de causes à effets

Pour comprendre les mécanismes qui engendrent les inégalités, il faut tenter d’analyser la structure des sociétés modernes.

Elles se caractérisent par la mobilité, la fluidité, le mouvement, l’éphémère, la rapidité et la concurrence. Ceci se met en place dès l’école et dans les familles qui veulent que leurs enfants soient du côté des gagnants. Ceux qui ne suivent pas le mouvement se retrouvent, dès le plus jeune âge, sur le bas-côté de la route qui conduit au succès.

Bien sûr, les choses s’aggravent au fur et à mesure que l’on avance dans la vie. Il suffit d’aller moins vite que les autres, d’être plus rêveur et donc d’être moins performant, pour se trouver à chaque étape, un peu plus déclassé.

La vie est devenue une course d’obstacles et seuls les meilleurs sont sélectionnés par la société capitaliste qui fonctionne aujourd’hui avec quelques leaders ultra-performants et une armée de fantassins interchangeables et peu qualifiés, qui seront remplacés demain par des robots…

Ce système sans état d’âme et sans compassion a le mérite d’être efficace et performant : il génère de la richesse. Dès que l’on veut y mettre plus de justice sociale ou d’équité, on entrave son bon fonctionnement, c’est-à-dire que l’on crée des frottements dans des rouages bien huilés qui créeront alors moins de richesse.

C’est le dilemme de l’Etat-Providence que tout le monde applaudit dans son principe. Mais les problèmes surviennent dans la mise en œuvre. Il est facile d’imaginer que l’assistance aux plus démunis, aux plus défavorisés, se transforme facilement en assistanat chronique si l’on n’y prend pas garde.

Cet assistanat généralisé constitue la plaie de certaines économies qui sont engluées dans un système qui l’alourdit et lui enlève la mobilité nécessaire. Certes, les inégalités diminuent en même temps que l’efficacité mais, en fin de compte, tout le monde s’appauvrit car dans la course d’obstacle on arrive les derniers.

Le culte de l’efficacité

Peut-on échapper à ce dilemme ou est-on enchainé à cette dialectique fermée de l’inégalité, rançon du succès ? Je serais tenté de répondre par la négative si je ne connaissais pas un pays extrêmement performant et où les inégalités sont plus faibles qu’ailleurs.

 Ce pays c’est la Suisse, où l’économie est très dynamique et performante, où les salaires sont le double de chez ses voisins et où les inégalités salariales sont les plus faibles du monde développé ! Comment est-ce possible ?

Je crois que la première vertu des Suisses réside dans leur amour du travail bien fait. Ils aiment travailler et s’épanouissent dans leur travail pendant que d’autres gémissent. Les Suisses sont pragmatiques et aiment l’efficacité, au point que toute la société est culturellement axée sur l’efficacité pendant que d’autres gaspillent leur énergie en palabres stériles.

A cela il faut ajouter un système éducatif bien adapté au marché du travail, contrairement à certains pays où l’enseignement général ne forme à aucun métier et conduit les jeunes directement à l’inscription au chômage.

En outre, la recherche du consensus et l’horreur des conflits ont permis à la Suisse, d’une part d’échapper aux guerres européennes et, d’autre part aux grands conflits sociaux dont ses voisins se vantent. Pas de dépenses somptueuses pour flatter l’ego des dirigeants, pas de projets grandioses et ruineux, pas de lointains territoires à entretenir, pas d’administration pléthorique, pas d’idéologie irréaliste… Tel est le secret bien gardé de l’efficacité équilibrée helvétique.

Un pays qui a le culte de l’efficacité sait maintenir un juste équilibre entre les hauts et les bas revenus qui apporte la garantie de la paix sociale, sans crispation, sans grèves ruineuses, sans ressentiment et sans lutte de classe. Cela s’appelle le bon sens !…

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4 commentaires

  1. Bonjour,
    En effet, la Suisse c’est, à n’ en pas douter est le model théorique. La première fois que j’ai visité Genève j’ai été frappé par la différence avec les villes Françaises, ordre, calme, propreté. Mais c’est aussi UBS et les responsables du Pays qui attendent que tombent qu dans l’escarcelle les profits générés sur les pays alentours. Bonne journée

  2. Ça dépend beaucoup de la façon dont vous mesurez “l’efficacité” : la croissance du PIB ? Vous mentionnez aussi un faible taux de chômage, la croissance de la richesse (extractions de ressources naturelles ? balance commerciale positive ?) etc. C’est tout simple: je crois que votre question est biaisée en fonction de votre définition de l’efficacité. On devrait définir l’efficacité en fonction d’objectifs à atteindre. Si votre critère d’efficacité devient la capacité d’un pays à subvenir aux besoins de ses habitants, à assurer la paix sociale, à éviter les échecs économiques, du coup vous changez votre ordre de classement et le lien entre efficacité-inégalités ne tient plus.

    Je suis canadien : quand on s’informe de la façon de négocier des USA dans les domaines du bois d’oeuvre, du fer, des pièces automobiles, de la.production agricole, on se rend vite compte que “l’efficacité” dont vous vantez les mérites n’a souvent rien à voir avec l’amour du travail bien fait et l’équité dans la concurrence.

    1. Vous avez raison! J’aurais dû être plus clair dans la définition de l’efficacité. Je parlais d’efficacité économique et donc d’élévation du niveau de vie général. Mon hypothèse donc est que cette efficacité économique a tendance à générer des inégalités économiques, c’est-à-dire un avantage à ceux qui sont les plus performants au détriment des moins performants. Ce mécanisme se met en marche dès l’école et peut s’amplifier avec le temps.
      Les USA constituent le prototype de ce que je veux démontrer, la concurrence individuelle y est rude!
      Dans leurs négociations commerciales avec le Canada et le Mexique, mais aussi avec le reste du monde, ils abusent de leur position dominante et de leurs forces militaire et financière pour imposer leur point de vue… c’est la caricature du capitalisme ultra-libéral: que le plus fort gagne et que les autres survivent… s’ils le peuvent…
      Merci pour vos remarques pertinentes.

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