Depuis plus de soixante ans la Californie est l’épicentre du monde. Je n’ai jamais su quels ont été les ingrédients particuliers qui ont contribué à l’extraordinaire créativité de cet Etat américain de 40 millions d’habitants qui domine le monde de la tête et des épaules. Mais un élément nouveau fait courir à la Californie un risque mortel.
Depuis Portland, dans l’Oregon, nous sommes descendus plein sud. Nous avons traversé les vignobles de la Willamette River, puis les immenses forêts de Douglas de l’Oregon qui s’étagent sur les flancs des Cascade Range. Nous avons passé une nuit à Grant Pass, sur le bord d’une rivière à Saumon, avant d’entrer en Californie.
Nous avons filé ensuite vers l’océan à travers les premières forêts de séquoias et avons longé la mer jusqu’au petit village de Trinidad où nous avions loué un grand chalet au milieu des bois et où nous sommes restés deux jours. C’est là que nous avons commencé à entendre parler du fléau qui menace la Californie. La nature est encore belle et les épineux sont toujours majestueux, mais on remarque qu’ils ont perdu une quantité inhabituelle d’épines. Nous avons suivi le sentier qui domine la mer et avons observé que nombre d’arbustes souffrent et semblent manquer de vigueur.
Mais c’est au cours de notre longue descente vers San Francisco que nous avons commencé à nous inquiéter. Cela fait des années que nous arpentons la Californie et nous sommes émus à chaque fois que nous découvrons ces collines herbeuses, jaunies par le soleil de l’été et tachetées du vert sombre des chênes verts. La beauté de ce paysage est telle que nous pouvons rouler des heures, sans un instant de fatigue, et sans éprouver la moindre monotonie. Mais cette année nous avons trouvé la nature moins belle, les prairies jaunies sont clairsemées et tirent vers l’ocre car elles recouvrent mal la terre sèche, les arbres sont plus ternes, presque gris, ce qui enlève à la majesté du paysage.
Après une nuit dans la petite ville de Mill Valley, située juste avant le Golden Gate, nous avons pris la direction de la célèbre station balnéaire chic de Carmel by the sea qui fut notre prochaine étape. Nous avons traversé des lieux mythiques qui font rêver, tel Palo Alto et la magnifique université de Stanford où nous n’avons pas pu résister au plaisir de faire une petite halte, comme à chaque voyage. C’est hélas en roulant sur cette autoroute 280, que nous avons si souvent empruntée, que nous avons commencé à prendre conscience de l’ampleur du phénomène. Nous étions là, sur les collines qui dominent la Silicon Valley, à l’orée de la forêt et de la petite chaîne montagneuse qui longe le Pacifique jusqu’à Santa Cruz. Nous apercevions de nombreux arbres morts ou sous menace de mort. Pratiquement tous les arbres feuillus, à feuilles caduques, sont morts. Ici et là, des bosquets entiers d’épineux sont déjà morts et d’autres font grise mine. Nous sentons la souffrance de la nature et nous sommes attristés.
Après Carmel nous avons bien évidemment suivi la magnifique route N°1 qui longe l’Océan Pacifique dans un décor immense, et qui serpente pendant environ une centaine de miles, offrant les décors grandioses d’une côte rocheuse. La mer est en contrebas, et la brume légère monte et lèche les collines ocres avant de disparaître sous l’effet du soleil. La forêt de Séquoia de Big Sur est toujours là, immuable et majestueuse, abreuvée par les embruns marins. Une nouvelle fois nous avons pu nous remplir de cette beauté.
Plus bas, lorsque nous avons rejoint la 101 qui nous emmène vers le sud à travers les terres, nous avons mesuré l’ampleur des dégâts. Les collines vertes couvertes de petits arbustes, comme une sorte de garrigue, sont devenus grises ou brunes. Nous apercevons de nombreux arbres morts et nous assistons en live à la désertification de la Californie.


Même dans la ville de Santa Barbara, où nous sommes actuellement, de nombreux arbres sont en triste état. Les deux cent mille habitants de l’agglomération dépendent, pour l’essentiel, de la retenue d’eau du lac Cachuma qui a perdu en quelques années le tiers de sa superficie et l’on voit sur ses bords les traces des anciens niveaux. Les réserves d’eau de la région sont presque épuisées et ne représentent plus que 30% de la normale. Le spectacle est réellement angoissant. Il n’a pas plu sérieusement depuis cinq ans ! La situation est sans doute encore plus grave plus au sud, entre Los Angeles et San Diego…
Dans les vignobles de Santa Ygnez Valley, au dessus de Santa Barbara, dont chaque pied est arrosé au goutte à goutte, les vendanges du Pinot Noir ont déjà commencé : du jamais vu !

S’agit-il de quelques années de sécheresse passagère, ou bien s’agit-il d’un phénomène persistant et irréversible ? La réponse est pour bientôt. Il se peut que nous assistions prochainement à une longue migration vers le Nord–Ouest, vers les Etats d’Oregon et de Washington où l’eau n’est pas près de manquer ! Portland et Seattle sont déjà des pôles attractifs qui attirent de plus en plus de Californiens. Certain parlent déjà de la Silicon Forest pour désigner le pôle de haute technologie proche de Portland.
Cela ne serait pas la première fois que des populations soient obligées de migrer sous l’effet d’un changement climatique. L’avenir de la Californie est à cet égard incertain et les zones désertiques progressent à grand pas. Depuis des décennies déjà, la migration Mexicaine vers les USA est intense, elle sera peut-être suivie de la plus grande ruée vers le Nord jamais vue…
Bonjour,
Merci pour ce beau voyage, vous le narrez tellement bien que l’impression nous est donnée de vous accompagner. Dommage que ces constatations, de votre part, viennent ternir le plaisir.