696 – LES REGIMES AUTORITAIRES

 

Les gouvernements autoritaires peuvent-ils constituer des modèles d’efficacité économique et assurer le bonheur des peuples ? Cette question fondamentale peut-elle remettre en question le bien fondé des démocraties occidentales, présentées jusqu’à présent comme des modèles à suivre ?

Les entreprises autoritaires

Les entreprises privées ont largement démontré l’efficacité de leur organisation hiérarchique dans lesquelles la gouvernance n’a rien de démocratique. A l’époque de la mondialisation nous constatons chaque jour l’hégémonie de certaines grandes entreprises, chaque jour plus puissantes, au point de défier les gouvernements démocratiques les plus faibles.

Les désormais célèbres GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazone), de dimension planétaire, sont dirigées d’une main de fer par de jeunes leaders d’apparence très « cool », à l’écoute de leurs collaborateurs, mais dont les décisions ne souffrent pas la contestation.

Les essais, ici ou là, de direction collégiale, de coopératives des travailleurs ou d’autogestion n’ont jamais réussi à sortir de l’anonymat et de l’artisanat local. On peut sans doute citer quelques cas isolés de réussites provisoires que les utopistes citent en exemple, mais dans la durée elles ne résistent pas à l’épreuve de la démocratie et sombre en général dans l’anarchie et l’inefficacité.

Le modèle démocratique

On en vient donc à penser que la gouvernance basée sur la primauté de l’autorité est la seule efficace. Comment se fait-il qu’au niveau politique la démocratie à l’occidentale perdure et a traversé les aléas du temps ? Elle peut même se targuer d’avoir résisté aux guerres et aux épreuves, et de s’être même renforcée au fil des générations pour apparaître comme le modèle idéal de gouvernement auquel chaque peuple doit légitimement aspirer.

Je serais tenté de répondre que le succès des démocraties a été dû à l’absence de modèles alternatifs. Le continent Africain était secoué par les errements postcoloniaux et tentait de s’essayer à la démocratie dans la douleur, pour finalement se soumettre à des régimes militaires dictatoriaux et oppresseurs.

Au siècle dernier, la Chine et la Russie furent soumises à des dictatures féroces qui opprimèrent les peuples en les tenant sous un joug implacable. Ces exemples funestes ne faisaient que renforcer les bienfaits des démocraties qui, en comparaison, paraissaient des paradis.

Par ailleurs, les expériences catastrophiques du nazisme ou du fascisme en Europe ne plaidaient pas en faveur des régimes autoritaires qui longtemps apparurent comme des contre exemples.

Les dictatures éclairées

Au tournant du millénaire, les choses ont commencé à changer avec l’apparition de régimes autoritaires, néanmoins plus ou moins démocratiques, et relativement efficaces sur le plan économique.

L’émergence de la Chine comme puissance mondiale, après deux décennies d’une croissance économique vertigineuse et d’une amélioration incontestable du niveau de vie moyen de la population, nous oblige à admettre l’efficacité de son modèle qui est une forme de « dictature éclairée ».

Le précurseur fut le premier ministre de Singapour, le légendaire Lee Kwan Yew qui fit de sa ville-Etat un modèle de développement avec une gouvernance autoritaire efficace et performante. Sa philosophie très pragmatique peut se résumer ainsi : « Vous pouvez vous enrichir librement, avoir une famille en toute sécurité, jouir de la plupart des libertés civiles, mais en aucune manière vous ne devez interférer avec la politique ».

Le succès de Wladimir Poutine en Russie est un autre exemple, à mi-chemin de la démocratie autoritaire et de la dictature éclairée. Le principe étant aussi que les populations des pays en voie de développement donnent la priorité au bien être matériel plutôt que d’exercer leurs droits démocratiques.

On peut ranger dans la même catégorie, la poigne de Erdogan en Turquie qui suit les mêmes traces. Dans le même temps, on finit par regretter la Tunisie de Ben Ali qui faisait figure de miracle économique.

Le doute

Nous sommes bien obligés de constater que les démocraties occidentales ne donnent pas d’elles-mêmes la meilleure des images. Nombre de pays sont incapables de prendre des décisions et entamer des réformes, tiraillés à hue et à dia par des partis politiques souvent incohérents.

Nous voyons bien comment Donald Trump est incapable d’appliquer la politique sur laquelle il a été élu, ce qui est la négation de la démocratie. En France, Emmanuel Macron fut élu sans conteste, avec une très forte majorité, en vue d’une politique claire et nette. Cela n’empêche par les citoyens de manifester, d’occuper les rues et de faire grève pour contester la démocratie.

Partout, la moindre décision est contestée jusqu’à l’absurde, rendant le pouvoir souvent illusoire, inhibée dans son action. A cet égard, l’Italie semble incapable de mener à bien la moindre réforme. Chaque alternance, soi-disant démocratique, est en fait l’occasion de détruire ce que le précédent gouvernement a mis en place.

Il en est de même au niveau de la gouvernance de l’Europe, engluée dans des querelles internes, incapable de parler d’une seule voix et d’avoir la moindre autorité respectée. On se met à rêver d’un leader fort qui prenne les rênes de l’Europe avec fermeté et la fasse avancer.

Il devient ainsi légitime de douter de la capacité des démocraties occidentales, telles qu’elles fonctionnent, d’affronter les mille défis qui se profilent à l’horizon (Lire chronique 641 « démocraties menacées »). En outre, vouloir imposer la démocratie libérale, ex nihilo, dans des pays qui ne sont pas prêts, mais qui ont besoin d’un régime autoritaire pour se mettre sur les rails, constitue une erreur politique majeure.

Il se peut que nos démocraties manquent d’autorité. Nous avons été trop persuadés que l’autorité était à proscrire car néfaste et trop paternaliste. Nous avons confondu l’autorité, qui est nécessaire et bénéfique, avec l’autoritarisme qui a besoin de la police et de l’armée pour s’exercer. Les démocraties occidentales sont ainsi devenues laxistes et molles, au point d’être ingouvernables.

Alexis de Tocqueville faisait remarquer que les démocraties ne sont pas nécessairement libérales, elles peuvent être autoritaires. Les gouvernements peuvent prendre comme modèle la gouvernance des entreprises qui sont en quelque sorte des dictatures éclairées. Les nations ont besoin d’être guidées avec des objectifs clairs et des prises de décision rapide, dans lesquelles l’autorité est respectée et clairement identifiée. Je ne serais pas étonné que cela soit la voie suivie par un certain Emmanuel Macron. Il se trouve déjà des bons esprits pour le lui reprocher !…

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2 commentaires

  1. le problème entraine automatiquement, la résistance, comme aujourd’hui par la libéralisation, de l’information, on est automatiquement au courant des grosses magouilles dont se rendent coupables les lascars qui nous dirigent, et plus rien ne reste bien longtemps secret..

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