833 – L’ÉCONOMIE N’EST PAS UNE SCIENCE

Demandez aux experts, plus personne ne comprend rien à l’économie et nul ne sait où elle va et comment elle se comportera demain. L’économie est-elle devenue un casino ?

Les repères sont brisés, plus rien ne fonctionne comme avant, les milliards pleuvent mais nul ne sait où ils arrosent. Ceux qui, hier, tenaient les cordons de la bourse bien serrés sont aujourd’hui d’une générosité suspecte. Le chômage explose mais la bourse monte !

Une gestion de père de famille

Sauf exception, chaque famille gère son budget avec bon sens et prudence. Un budget équilibré comporte des rentrées qui sont au moins égales aux sorties. Si on emprunte pour acheter une voiture ou une maison, nous tenons compte des taux d’intérêt et nous faisons en sorte d’avoir la capacité de rembourser.

Cette sage gestion de père de famille était plus ou moins celle qu’utilisaient les gouvernements pour gérer les comptes publics. C’est en tout cas l’état d’esprit qui régnait jusqu’à la fin du 20ème siècle.

La crainte d’un endettement excessif reposait sur le risque d’une augmentation des taux d’intérêts. Tant que l’emprunteur inspirait confiance, les taux restaient bas, mais si ce dernier risquait de ne pas être en mesure de rembourser, les taux grimpaient et il était asphyxié.

Lorsque c’est un État qui emprunte, la situation peut être pire, si je puis dire, car il y a un risque sur la valeur de la monnaie. C’est ce qui est arrivé à de nombreux pays au cours de l’histoire, en particulier en Allemagne en 1923. Il faut revenir sur les faits car ils sont instructifs.

L’Allemagne avait été soumise à des conditions draconiennes de dédommagement à la suite du traité de Versailles en 1919. Comme elle fut incapable de payer, la France a eu la mauvaise idée, en 1923, d’envahir la Ruhr, poumon économique de l’Allemagne. Les ouvriers se sont mis en grève, opposant une défense passive, mais ils continuaient à être payés par le gouvernement.

C’est là que la situation devient intéressante pour nous, citoyens du post-covid 19, en 2020. En 1923, le gouvernement Allemand s’est mis à imprimer des billets pour payer ses dettes des réparations de guerre et le salaire des ouvriers. Sur le marché des changes, le Mark n’inspirait plus confiance et sa valeur s’effondra.

En Janvier 1923, il fallait 4,1 marks pour acheter un dollar, au mois d’Août il fallait un million de marks pour un dollar et en Novembre il fallait sortir plus de 4000 milliards de marks pour acquérir un seul dollar ! Les allemands ont gardé un souvenir cuisant de cette période traumatisante qui a ouvert la voie à un certain Adolf Hitler et cela permet de comprendre leur réticence à l’endettement par la création monétaire…

Emprunter sur 100 ans

La question est aujourd’hui de savoir si les économies post Covid peuvent être comparées à l’Allemagne de la république de Weimar. Toutes les Banques Centrales créent de la nouvelle monnaie, des dollars, des euros, des livres sterling, des yens, etc. Pour l’instant cela s’équilibre et on ne sait pas encore quel sera le maillon faible.

Si soudain il y a une défiance sur une monnaie, cela sera l’emballement comme on peut le voir actuellement en Argentine. Malgré cela c’est l’optimisme qui règne parmi les économistes et les financiers.

Cet optimisme est si grand que certains États ou certaines institutions empruntent pour une durée de 100 ans, avec des taux ridiculement bas ! C’est le monde à l’envers. L’Autriche vient de boucler une émission d’obligation pour une durée d’un siècle au taux de 0,88% l’an. Même l’EDF ou la SNCF empruntent sur 100 ans. Qui est assez fou pour prêter sur une période aussi longue et avec des taux d’intérêt proches de zéro? Sauf à spéculer sur de nouvelles baisses des taux… au dessous de zéro!

On est encore plus surpris lorsque l’on apprend que le Mexique ou les Philippines émettent des obligations à 100 ans qui trouvent preneur… Il faut une sacrée dose d’optimisme… à moins d’avoir la mémoire courte et s’imaginer que la situation d’aujourd’hui peut perdurer. Ceux qui, il y a un siècle, en 1920, ont prêté de l’argent à l’Allemagne, ont tout perdu trois ans plus tard…

Les riches seront de plus en plus riches

Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les États n’hésitent plus à emprunter, d’autant que ce sont les Banques Centrales qui fournissent la came ! C’est l’open-bar, pourquoi se priver ?

Mais où vont ces milliards de milliards ? Ils permettent tout d’abord de payer les salaires de ceux qui, durant deux ou trois mois, n’ont pas travaillé. Ils vont permettre de renflouer les États dont les rentrées d’impôts seront faibles, de financer le chômage qui s’annonce long et sévère, de financer les caisses de retraites et les caisses maladies déficitaires et aussi de financer mille autres projets plus ou moins utiles.

Tout le monde peut profiter de cet argent gratuit et dépenser sans limite : il suffit d’emprunter avec des taux extrêmement bas, en priant le Bon Dieu pour qu’ils continuent à y rester… On lit même, ici ou là dans la presse, des économistes qui prétendent que toutes ces dettes n’auront pas besoin d’être remboursées. Mais ils oublient de préciser que c’est exactement ce qui s’est passé en 1923 en Allemagne : les dettes n’ont pas pu être remboursées et tout le monde a été ruiné ! Qui peut affirmer que l’on est plus malin aujourd’hui ?

Les premiers à savoir en profiter, ce sont les riches. Ils achètent tout azimut, des actions en bourse ou de l’immobilier. Cette pression acheteuse fait monter les prix et ainsi, mécaniquement, les riches deviennent de plus en plus riches, et tout le monde est content ! En ce mois de Juillet 2020 la bourse a retrouvé des couleurs, alors que l’économie bat de l’aile et que les prévisions sont sombres. Aux Etats-Unis, le Nasdaq qui est l’indice des valeurs technologiques a pulvérisé ses records historiques !

La valeur d’une monnaie, c’est comme l’amour

Ce découplage entre les marchés financiers et l’économie est aussi un phénomène nouveau. L’économie peut être à l’agonie, mais la bourse gardera le sourire tant que les Banques Centrales continueront à créer de la monnaie ex nihilo.

Cela me fait penser à un moteur de voiture, si trop d’essence arrive dans le carburateur, il est noyé et le moteur s’arrête. Tout est une question de dose. Est-ce pareil pour l’argent? Je n’en sais rien, mais je me méfie des retours de manivelles, pour rester dans la mécanique !

En attendant, empruntez et profitez des taux bas, achetez des biens durables qui vous mettrons à l’abri de l’inflation, au cas où… Mais ne faites pas trop confiance aux économistes qui prétendent que les taux resteront bas, éternellement ou presque ! En fait, ils n’en savent pas plus que vous et moi…

Il est vrai, tant que l’argent coulera à flot, les taux resteront bas. C’est, comme pour beaucoup de choses, la rareté qui fait le prix de l’argent. Vous l’aurez compris, le danger peut surtout venir de la monnaie. La valeur d’une monnaie, c’est comme l’amour, elle ne vaut que par la confiance qu’on lui accorde. Si le doute s’installe, le charme est rompu.

Si la confiance en une des grandes monnaies venait à manquer, la situation deviendrait explosive. En ce qui nous concerne, nous pensons bien sûr à l’euro qui est déjà passé près de la catastrophe il y a quelques années. Dans la zone euro, trois pays sont en position inconfortable sur le plan économique : l’Italie, l’Espagne et la France. Trois pays mal gérés et dont les citoyens ne semblent pas avoir pris la mesure des enjeux.

Comme l’amour, l’économie n’est pas une science, mais cela ne veut pas dire que l’on peut faire n’importe quoi. L’argent est un flux qui entre et qui sort, il faut savoir gérer son budget pour que le flux reste équilibré, sinon il se tarit. Gare à ceux qui ne savent pas gérer ce flux avec bon sens !

Tout cela pour dire que nous vivons dans un monde dangereux et incertain. L’économie est le fruit de multiples paramètres qui font sa complexité. La psychologie des peuples y joue un rôle plus important que la logique rationnelle. C’est pourquoi l’économie n’est pas une science, tout au plus un mélange d’approximation et d’incertitude, souvent dénuée de bon sens… mais nécessite du bon sens…

 

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