C’est l’âge de la puberté, de la transformation physique et psychique, du passage à l’âge adulte, de l’ouverture au monde, de la sociabilité, de la perméabilité aux nouvelles idées, de la contestation de l’ordre établi, de la confrontation avec l’autorité, mais aussi de la créativité. Bref, c’est l’âge charnière, où tout devient possible, le meilleur comme le pire…
Ce n’est pas un hasard si tout le monde se dispute l’attention des ados qui sont tiraillés par de multiples sources contradictoires, par les parents, par les professeurs et le système éducatif, par les règles sociales, par les copains, par les réseaux sociaux, par le idéologues et par la publicité ciblée sur cette tranche d’âge.
En effet, l’adolescence est l’âge perméable aux diverses injonctions, c’est donc l’âge fragile durant lequel se dessine le futur. Les neurosciences nous le disent, à cet âge le cerveau est malléable, comme une pâte à modeler, il se construit et de nombreuses connections nouvelles s’installent.
Le malaise
Pour certains, c’est l’âge du malaise. L’ado est souvent « mal dans sa peau », il se ne sait pas encore qui il est et il se cherche. C’est l’âge des « états d’âme » et du romantisme exacerbé. Mais l’époque moderne semble particulièrement néfaste aux adolescents …
Selon les études, 10 % des adolescents auraient des idées suicidaires et les états dépressifs sont de plus en plus fréquents : ils toucheraient un jeune sur cinq ! Le malaise de la jeunesse est le symptôme précoce du « malaise dans la civilisation » dont je faisais état dans une précédente chronique (N°821). C’est ainsi que la prescription de psychotropes chez les jeunes a explosé ces dernières années, signe d’une société malade : en sept ans, + 62 % pour les antidépresseurs, +155 % pour les hypnotiques et 49 % pour les antipsychotiques.
La réalité est particulièrement alarmante lorsque l’on prend connaissance de l’augmentation vertigineuse du nombre de suicides, au point que les psychosociologues parlent de « contagion suicidaire ». L’augmentation du nombre de suicides « réussis » atteste cet état de fait qui concerne cinq fois plus les filles que les garçons.
Le suicide est la deuxième cause de mortalité en France, chez les 15-25 ans, derrière les accidents de la route qui sont souvent une autre façon de jouer avec la mort. Le nombre d’entrées en urgence pour geste suicidaire a doublé entre 2018 et 2022, de même que les appels aux centres antipoison.
Les autoritaires sanitaires tentent de remédier au mal par des mesures psychosociales d’accompagnement des ados pour éviter la récidive et la contagion ; c’est mieux que rien, mais c’est oublier les causes profondes qui ont certainement à voir avec un phénomène plus général qui concerne notre civilisation dans son ensemble. Comme toujours, ces causes sont multiples et variées, mais sont cumulatives.
Les spécialistes évoquent pêle-mêle, l’abus de drogues, d’alcool et de médicaments, le manque de perspectives, l’incertitude, la vie sociale dégradée et même la peur du réchauffement climatique. Mais, je propose d’y ajouter les effets néfastes de familles déstructurées, la perte de sens, le relativisme des règles morales, l’absence de repères, le matérialisme et le manque de spiritualité, sans oublier les nouvelles idéologies sur l’incertitude du genre ainsi que la contagion sur les réseaux sociaux.
L’âge des opportunités
Les publicitaires ont compris, avant les psychosociologues et les enseignants, comment fonctionne le cerveau des adolescents. Il est difficile de les convaincre avec des arguments rationnels, moraux ou de simple bon sens. C’est généralement le discours des parents et des éducateurs qu’ils réfutent l’un et l’autre.
Coca-Cola, Mac Donald et les autres savent depuis longtemps que les jeunes réagissent non pas avec le cortex, mais avec le système limbique qui est le centre des émotions et de la sociabilité. Ils aiment prendre du plaisir et s’émouvoir en groupe.
Par exemple, des études ont montré qu’il est vain de vouloir modifier de mauvaises habitudes alimentaires par de sages conseils nutritionnels ou par de doctes avis médicaux. Les jeunes sont mieux convaincus par le fun, par le plaisir et par des arguments irrationnels. Il y a autant de différence entre ces deux approches qu’entre un prêche à la messe du dimanche dans nos provinces et une chorale de gospel dans une église d’Harlem.
Il est donc contre-productif de chercher à convaincre des ados avec des arguments logiques ou moraux, de jouer sur la culpabilité. Cette prise de conscience est fondamentale à une époque où les jeunes sont confrontés à une augmentation des accidents, des suicides, des homicides, des dépressions, des abus d’alcool et de drogues, des violences, des désordres alimentaires, des obésités.
Au contraire, l’adolescence constitue une opportunité unique pour modifier de mauvais comportements, améliorer la santé mentale, dynamiser la vie psychique, ouvrir l’esprit sur les risques de manipulation par les marchands d’illusion ou les idéologies néfastes, ce qui aura des répercussions sur la vie entière.
Les idéologies perverses
Ce qui caractérisent les sociétés en déclin, c’est la tendance des idéologues et des media à entrainer la population dans une spirale dépressive et destructrice en présentant les références morales traditionnelles comme obsolètes et punitives.
Des nouvelles idées décadentes ou perverses sont présentées comme étant progressistes et modernes. C’est ainsi que, au nom de la post-modernité, nous assistons à la destruction des principales valeurs qui ont constitué le fondement de nos sociétés. Il s’agit d’un vrai travail de sape dont les auteurs ne sont pas toujours conscients eux-mêmes.
Certains groupes activistes (woke, cancel culture et LGBT+ ) sont particulièrement néfastes car ils entendent endoctriner les plus jeunes, notamment ceux qui ont l’esprit le plus malléable et le plus facile à manipuler : les adolescents !
C’est ainsi qu’ils organisent dans les écoles, avec l’assentiment des responsables éducatifs, des « réunions d’information ou d’éducation sexuelle » dans lesquelles l’idéologie transgenre est présentée comme une alternative possible, un choix progressiste et une nouvelle liberté conquise sur le conservatisme ancien.
Par ailleurs, les algorithmes de YouTube constituent une trappe dans laquelle on reste enfermé, puisque le système nous propose ce que nous devons regarder ensuite, en fonction de ce que nous avons regardé avant. « YouTube est l’un des plus puissants instruments de radicalisation du 21ème siècle », peut-on lire sous la plume d’un spécialiste dans un récent article de Scientific American. (1)
Le contrôle de l’information
« L’enfer est pavé de bonnes intentions », comme dit le proverbe ! Puisque les ados sont des cibles privilégiées des Fake News sur les réseaux sociaux, il convient de les aider à trier le bon grain de l’ivraie.
Il faudrait donc détecter pour eux la vérité au milieu des mensonges. Le système éducatif, les media et les autorités politiques seraient là pour dire le vrai et les mettre à l’abri du mensonge !…
Dans la réalité, ces bonnes intentions se transforment en contrôle de l’information qui génère vite une « information officielle », bible du citoyen modèle, comme dans les pays totalitaires. C’est ce système qui a été mis en place pour l’épisode du covid et qui a généré un des plus grands mensonges d’État depuis des décennies. La guerre en Ukraine, qui ne laisse la parole qu’aux va-t’en guerre les plus acharnés, fournit un autre exemple actuel.
Il serait peut-être plus judicieux d’aider les jeunes à multiplier les sources d’information, y compris celles qualifiées de complotistes, et à toujours vérifier l’origine de l’information. Leur apprendre à douter, y compris des informations officielles. C’est cela devenir un citoyen éclairé, bien différent du citoyen sous-contrôle…
L’adolescence porte l’avenir et c’est pour cette raison qu’elle est l’objet de toutes les attentions éducatives, idéologiques, politiques et publicitaires. Son mal-être actuel est le symbole du mal-être de la société et il faudrait mieux lui donner des raisons d’espérer que de vouloir contrôler son ouverture au monde …
(1) « Schooled in lies» Scientific American, February 2022, 32-35