Ce titre peut vous paraître provocateur, néanmoins, dans bien des cas, la bonne intention du dépistage conduit à des surdiagnostics qui transforment des bien-portants en malades.

« Le meilleur moyen d’être atteint d’un problème cardiaque, d’un glaucome, de problèmes vasculaires ou de n’importe quel cancer est d’être dépisté », ironise le docteur H.Welch, auteur de « Overdiagnosed. Making People Sick in the Pursuit of Health »(Surdiagnostics. Rendre les gens malades dans la quête de la santé) ! En effet, plus les outils de dépistage sont sophistiqués, plus il est difficile pour chacun d’être conforme à la « normalité ». Plus on cherche, plus on finit toujours par trouver quelque chose qui n’est pas tout à fait dans la norme et qui nécessite donc un nouvel examen ou un traitement. Il est étrange de constater à quel point les patients et les médecins s’acharnent à débusquer une hypothétique maladie, comme pour conjurer une angoisse latente qui étreint toute la population.
Une étude a été réalisée aux USA sur 1200 volontaires en bonne santé. Un examen complet par scanner a mis en évidence une anormalité chez 86% d’entre eux. La moyenne des patients avaient au moins 2.8 anormalités ! La question se pose donc de savoir si les progrès de l’imagerie médicale, les dosages biochimiques et les analyses génétiques sont réellement bénéfiques pour les personnes en bonne santé, qui ne se plaignent de rien, et auxquels on fait subir un panel d’examens.
Le dépistage du cancer de la prostate est édifiant à cet égard. Un dépistage grossier

est tout d’abord réalisé à l’aide du fameux dosage du taux de PSA dans le sang (Prostatic Specific Antigen). En fait, aucune étude n’a montré un lien établi entre le cancer de la prostate et le taux de PSA. En outre, ce dosage donne des résultats inconstants et contradictoires. Plus grave, le dépistage du cancer de la prostate, et son traitement, n’apportent aucun avantage aux patients, tant en terme de morbidité que de mortalité ! Sans compter les nombreux cas de surdiagnostics, suivis de biopsies pouvant provoquer des infections ou des rétentions urinaires. Il faut savoir que le cancer de la prostate est le plus souvent à évolution lente et que finalement les hommes meurent avec leur cancer, mais pas à cause de lui !
Le dépistage du cancer du sein suscite aussi bien des controverses car son utilité est loin d’être démontrée, en particulier sur le taux de mortalité. En outre, le risque de surdiagnostics est élevé, c’est-à-dire de cas bénins ayant conduits à l’ablation partielle ou totale du sein ainsi qu’à une chimiothérapie invalidante. Il est estimé qu’une mort par cancer du sein serait évitée, pour quatre cas de surdiagnostics ! La vie de ces femmes sera bouleversée et elles seront gravement perturbées psychologiquement et soumises à une détresse inutile et nuisible à leur santé. Ce dépistage systématique conduit à identifier des tumeurs qui n’auraient jamais été symptomatiques.

J’ai vu ma patientèle s’étioler, les dernières années d’exercice, car je refusais de jouer le jeu des bilans répétés même quand ils étaient normaux et que manquaient les facteurs de risque cardio-vasculaire, des prescriptions exagérées non justifiées… je continue, 14 ans après ma retraite, à répéter aux parkinsoniens dont je m’occupe chaque mois, bénévolement, à répéter les mêmes conseils, les mêmes rappels à la sobriété…
Bravo, Yves Ponroy, pour votre lucidité, hélas mal partagée par les patients, les médecins, l’industrie pharmaceutique…
Je suis d’accord avec vous. Dès l’âge de 50 ans je me suis trouvée dans une spirale de “contrôle” continu sur d’éventuels risques liés à telle ou telle pathologie. N’ayant pas comme ma mère (90 ans) l’inquiétude de la maladie, j’ai fini par tous laisser tomber, réglant un à un les problèmes qui peuvent se présenter.
Il serait bon que les gens comprennent qu’il arrive un âge où le déclin de la santé est normal et peut même conduire à la mort !
D’une part on ne sait comment agir avec les moribonds en fin de vie (les aider à vivre ou à mourir ?) et d’autre part, on se comporte dès 50 ans comme s’il fallait absolument être plus fort que la maladie et quasiment supprimer la mort en “faisant tous les dépistages possibles” ….
Bref, aujourd’hui il est bon de se préoccuper d’un contrôle si le corps souffre ou appel à l’aide mais certainement pas de rester en permanence sous “respirateur médical” rien que pour être rassuré……