1007 – LES BEQUILLES CHIMIQUES

La consommation massive de diverses drogues et de psychotropes est un phénomène qui touche l’Occident et qui s’étend, d’année en année, de façon alarmante. C’est un autre aspect de l’autodestruction de notre civilisation que j’analyse souvent dans mes chroniques.

Le déclin d’une civilisation est généralement provoqué à la fois par des éléments extérieurs et par une sorte de pourrissement de l’intérieur. Les causes profondes sont souvent d’ordre intérieur et fragilisent la structure culturelle, tandis que les causes extérieures ne sont que des facteurs déclenchants secondaires qui font soudain s’écrouler un édifice déjà fragile.

De la même façon, nos maladies infectieuses surviennent souvent sur des individus fragilisés par des causes internes, d’ordre psychologique ou physiologique. Les virus ou les bactéries, qui vivent en permanence au milieu de nous, profitent d’un moment de faiblesse pour nous envahir et soudain proliférer. Une société affaiblie par ses coutumes, ses lois, son idéologie, son laxisme, son manque de détermination ou son hygiène de vie est généralement dominée par une civilisation plus tonique et plus déterminée qui finit par prendre sa place.

Comment affaiblir un peuple ?

Les populations sont généralement faibles et vulnérables. Lorsqu’une puissance étrangère veut affaiblir un peuple mal gouverné, elle peut le faire de l’intérieur, par exemple en affaiblissant ses mœurs, en diffusant de fausses informations, en faisant la promotion des jeux d’argent, en lui procurant de l’alcool bon marché ou en facilitant la diffusion de drogues ou de substances toxiques.

Au milieu du XIXème siècle, la Chine était gouvernée par la dynastie Qing qui faisait face à de nombreux défis. Le pays, qui comptait déjà plus de 400 millions d’habitants, avec une démographie qui commençait à s’emballer, fut le théâtre de diverses catastrophes climatiques. Il s’en suivit de graves famines et une misère importante, sans compter des émeutes religieuses de grande ampleur.

Le gouvernement étant ainsi affaibli, les Anglais en ont profité pour imposer au pays l’importation de l’opium qu’ils faisaient cultiver en Inde. Ce procédé permettait aux Britanniques d’équilibrer leurs échanges commerciaux avec la Chine d’où ils importaient le thé. Après les deux guerres de l’opium, les Chinois étaient payés en opium, la culture du pavot étant interdite en Chine. Ce troc, très en faveur de l’Empire Britannique, eut pour conséquence, à la fois de fragiliser la société chinoise dont une partie non négligeable de la population devint dépendante et de fragiliser le gouvernement chinois qui dut s’endetter lourdement, ce qui accéléra l’effondrement de la dynastie Qing.

Cet exemple d’avilissement d’une société, de l’intérieur, est de nouveau mis en œuvre, mais à l’encontre de l’Occident qui reçoit et accepte diverses drogues dangereuses en provenance de nombreux pays qui misent sur son effondrement. Ces drogues illicites sont, soit des molécules naturelles comme le cannabis, la cocaïne, ou la morphine, soit des molécules artificielles obtenues facilement par synthèse chimique (ecstasy, tramadol, opiacés de synthèse…).

La façon dont ces drogues sont importées et diffusées au grand jour, de façon presque officielle, sans que la police n’intervienne, démontre de façon claire qu’il s’agit d’un suicide collectif sur lequel les autorités semblent jeter un regard bienveillant. Depuis plus de 50 ans les politiciens et la police nous parlent de « guerre contre la drogue », mais ne bougent pas le petit doigt pour arrêter ces milliers de petits dealers qui attendent sous les portes cochères et que tout le monde peut voir ! Il faut dire qu’ils sont aussi découragés par le laxisme extrême de la justice qui relâche systématiquement les petits trafiquants, sous prétexte qu’ils ne sont que de modestes sous-traitants…

Les trafiquants sont présents à la sortie des collèges et des lycées, à la vue de tout le monde, pour proposer aux jeunes des doses gratuites, juste pour essayer ! Ces « petites mains » qui attirent la mansuétude de la justice, ne font que de la prospection pour générer de nouveaux clients qui iront ensuite s’approvisionner sur un site de vente en ligne.

Personne ne se préoccupent non plus de ces caïds des cités qui ne travaillent pas et roulent ostensiblement en grosses voitures allemandes dernier cri. Ils terrorisent les habitants pour imposer leur loi, y compris la police qui ne met plus les pieds dans ces quartiers.

Ce trafic très lucratif génère de la violence extrême entre gangs rivaux mais surtout auprès des jeunes dealers, tous mineurs, soumis à un véritable esclavage, séquestrés et violentés, comme l’atteste un récent procès à Marseille. On pourra à juste titre s’étonner que de très jeunes garçons quittent l’école sans que l’Éducation Nationale ne se préoccupe de leur devenir et que l’État continue de verser des allocations familiales aux familles…

Les autorités ont su confiner chez eux 60 millions de français, les obliger à porter un masque et à se faire vacciner. Ils ont posté des policiers jusque sur les plages pour y déloger les promeneurs. Mais elles semblent incapables de déloger quelques dealers à la sortie des lycées ! Cherchez l’erreur…

Les usagers

Nous venons de voir la face sombre côté trafiquants, mais il faut aussi considérer l’autre versant, encore plus sombre, côté usagers…

En France, on estime à 5 millions le nombre d’usagers réguliers de cannabis sous toutes ses formes, 600.000 le nombre de consommateurs de cocaïne et 400.000 d’ecstasy. Ces chiffres sont en constante et forte augmentation.

La consommation de ces drogues peut provoquer des sentiments provisoires de désinhibition et de toute-puissance avec altération des fonctions psychiques, du niveau de conscience et de la vigilance.

Lorsque cette phase s’éteint elle laisse souvent la place à des états dépressifs, à de l’agressivité et à une augmentation du rythme cardiaque. Sur le long terme, l’usage répété entraine une accoutumance qui nécessite d’augmenter les doses et une assuétude qui crée une dépendance. La dépression devient plus sévère, l’hypertension s’installe, avec des troubles du rythme cardiaque, ce qui exacerbe le besoin de consommer à nouveau…

On peut légitimement s’étonner de cette attirance pour des drogues aussi délétères et dangereuses. Ceci atteste de l’attirance humaine pour le danger, pour le morbide, ce qui semble faire partie intégrante de notre psyché. Mais il semble que cette attirance est fortement accentuée dans des circonstances stressantes ou lorsque les individus se sentent dans des situations sans issues. C’est ainsi que l’usage de drogues s’est répandu en prison ou dans des camps de réfugiés comme à Gaza.

Qu’est-ce qui pousse le petit bourgeois à se droguer pour oublier le quotidien, comme pour fuir une vie sans espoir ? Est-ce le symptôme d’une société qui a perdu le sens et qui manque de perspective, comme le prisonnier ? La banalisation de l’usage de la drogue constitue un vrai danger, surtout chez les jeunes qui sont la cible des dealers de rue.

Nous sommes tous concernés par ce fléau qui n’est qu’un des aspects de l’autodestruction de notre société, d’autant qu’il s’ajoute aux 3,5 millions de français qui font une consommation abusive d’alcool, autre drogue légale celle-ci.

« Vous êtes sur terre, c’est sans remède » !

Entre les drogues légales et illicites, la frontière est ténue, et principalement administrative. Les dégâts provoqués par l’abus des psychotropes chimiques ne sont pas moindres que ceux provoqués par les drogues illicites. L’abus d’alcool que nous venons de citer n’étant pas le moindre fléau.

16 millions de français ont déjà pris des médicaments psychotropes : anxiolytiques, hypnotiques et antidépresseurs. Les jeunes consommateurs sont deux fois plus nombreux qu’il y a dix ans et principalement d’anxiolytiques (+155%), les plus addictifs. Cette surmédicalisation toucherait 5% des jeunes.

Nous assistons, ici aussi, à une banalisation des prescriptions de psychotropes, pour combattre les simples aléas de la vie que certains jeunes semblent avoir des difficultés à surmonter. Manquent-ils aussi de sens et de perspectives, de foi en l’avenir ? Ressentent-ils la morosité ambiante, le doute d’une société qui a perdu ses repères et ses valeurs traditionnelles ?

Le Professeur Edouard Zarifian a maintes fois stigmatisé l’abus de la prescription de psychotropes : « Iln’existe actuellement aucune réflexion dans le milieu médical, et en particulier dans le milieu psychiatrique académique, sur l’éthique de la prescription de médicaments psychotropes. Les leaders d’opinion restent muets face à l’abaissement de la limite entre le normal et le pathologique, ouvrant de nouveaux marchés à la prescription ». 

Dans son rapport il poursuit : « La neuropsychiatrie nous prodigue des « congés chimiques hors du moi intolérable », mais n’est-ce pas pour nous habituer aux peurs ordinaires et aux chagrins quotidiens, et nous faire souffrir finalement davantage ? Comme le dit Hamm dans « Fin de partie » de Samuel Beckett : « Vous êtes sur terre, c’est sans remède ! Les neuropsychiatres et leurs mentors de l’industrie auront pourtant dépensé sans compter leur temps et leurs dollars pour nous convaincre du contraire. »

L’industrie pharmaceutique a médicalisé nos émotions et les prescriptions de psychotropes atteignent un tel niveau, que l’on peut légitimement se demander si les psychiatres ne sont pas, souvent, des sortes de dealers en blouse blanche ?

Il apparait clairement que les humains ont souvent besoin de fuir la réalité qui leur pèse. Traditionnellement, l’alcool constituait un bon moyen pour s’évader du réel et oublier les soucis du présent. Notre civilisation post-moderne, malgré l’abondance, ne semble pas avoir vaincu ses démons et son angoisse fondamentale, face à la vie et à la mort. Elle a recours, plus que jamais, à des « béquilles chimiques » pour affronter, ou pour fuir, les vicissitudes de la vie. Il lui manque la foi, et cette capacité à s’émerveiller de la vie elle-même, comme si elle était lasse de vivre…

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